D’Iwan Puni à Jean Pougny

Deux galeries parisiennes s’associent pour exposer le peintre d’origine russe

Le Journal des Arts

Le 21 mars 2003 - 628 mots

Les galeries Zlotowski et Le Minotaure à Paris s’associent pour rendre hommage au peintre Jean Pougny. La soixantaine d’œuvres rassemblées offre un aperçu quasi exhaustif de la production du peintre, depuis le cubisme cézannien de ses années de jeunesse jusqu’aux natures mortes de style nabi de sa dernière période.

PARIS - Michel Zlotowski et Benoit Sapiro, respectivement directeurs des galeries Zlotowski et Le Minotaure, s’étaient déjà associés il y a quelques mois, le temps de l’exposition “Avant-garde russe, théâtre et ballet”. Forts de cette première collaboration, et mus tous deux d’un même intérêt pour l’œuvre de Jean Pougny (Kouokkala, Russie, 1892 – Paris, 1956), ils s’unissent à nouveau pour proposer la première exposition commerciale consacrée à l’artiste depuis les années 1960. Quarante tableaux, une dizaine de lithographies et une vingtaine d’œuvres sur papier ont été rassemblées, offrant un aperçu assez complet de la production de l’artiste. Le prix des œuvres varie dans une fourchette allant de 15 000 à 50 000 euros.
Les années de jeunesse du peintre sont marquées par un séjour à Paris et l’influence de la modernité française. Les toiles qu’il expose dès 1912 en Russie dans le cadre de l’Union de la jeunesse auprès de Malévitch, Gontcharova et Tatline accusent ces apports parmi lesquels le cubisme prédomine. En témoignent Chaise et boîte à chapeau de 1917 et La Lampe de 1914, mentionnée dans le catalogue raisonné de l’œuvre du peintre comme ayant disparu, mais que les galeristes ont retrouvé. L’introduction de la typographie et des collages menée par Braque et Picasso autour de 1914 trouve également un écho dans les œuvres contemporaines de l’artiste russe, qui signe alors sous son vrai nom, Iwan Puni. Ses recherches sur l’utilisation du texte et de la lettre comme élément graphique, dont le manifeste est un tableau de 1919, La Fuite des formes, sont illustrées ici grâce à deux projets d’enseignes, l’un pour un magasin d’instruments de musique, l’autre pour l’horloger Pavel Bourré.
La période d’exil berlinois commence en 1920 et culmine avec une exposition à la prestigieuse galerie Der Sturm. Le peintre y applique à même le mur un décor de lettres géantes proche de ses travaux picturaux. L’artiste  s’installe définitivement en France en 1924, et prend alors le nom de Jean Pougny. Durant les premiers temps, il revient à la figuration et agrandit ses formats, sans doute sous l’influence de l’école de Paris. Nature morte, palette et chapeau, Le Billard et plusieurs lithographies témoignent de cette courte période. La vie parisienne fascine le peintre, qui trouve dans les rues les sujets de ses toiles, à l’exemple d’un tableau représentant les grands magasins, ou encore des deux petits Autobus à l’impérial de 1931.
À partir des années 1930, les influences de Matisse et le rapprochement d’avec les Nabis sont de plus en plus manifestes dans les œuvres de Pougny, qui tend vers un goût plus japonisant. Table orientale et Chaise noire au chiffon rouge sont emblématiques d’une recherche décorative qui effleure l’abstraction. À force de détails et de richesse plastique, la perspective semble aplatie et les différents plans deviennent difficilement lisibles. Cette sensation abstraite frappe d’autant plus dans les formats longilignes et audacieux de l’artiste, comme Toile de Jouy, fruits et chaise noire, qui s’étend sur 41 cm de hauteur pour 9 cm de largeur. En définitive, l’œuvre de Pougny est aussi diverse qu’ont pu l’être ses influences. Elle est le reflet d’un demi-siècle d’art pictural.

JEAN POUGNY

Jusqu’au 15 avril, galerie Zlotowski, 20 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 93 94, du mardi au samedi 10h30-13h et 14h-19h ; galerie Le Minotaure, 2 rue des Beaux-Arts, 75006 Paris, tél. 01 43 54 62 93, du mardi au samedi 11h-13h et 14h-19h. Catalogue édité par la galerie Zlotowski, 60 p., 63 ill. couleur, 20 euros.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : D’Iwan Puni à Jean Pougny

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