Métaphore

Distorsions de la mémoire

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 18 juin 2014 - 469 mots

Barbara Steinman investit la galerie Françoise Paviot de ses œuvres photographiques et graphiques,
reconfigurant images et statuts dans une symbolique lumineuse.

PARIS - Si Barbara Steinman est une artiste canadienne majeure, son œuvre demeure encore largement peu montrée en France bien que présente dans les collections du Fonds national d’art contemporain et de la Maison européenne de la photographie. En exposant pour la première fois quelques pièces de ses séries photographiques et graphiques des dix dernières années, la galerie Françoise Paviot ramène au premier plan une création qui, derrière une esthétique d’un raffinement sobre, ne cesse d’interroger et d’inverser l’état et le statut des choses, voire de les reconfigurer après les avoir soigneusement démantibulées, débobinées ou fracassées.

Les niveaux de lecture sont multiples chez Barbara Steinman. Pas une série qui ne flirte avec une mise en abîme du ou des statuts de la chose représentée, qu’elle soit provoquée  par le vol d’un oiseau comme dans la série graphique « Birds of The Air » ou fragments de cristaux de lustre ou de chaînes dans « Pendeloques. » Sa dernière série de photographies « Reconfigurations » n’y échappe pas davantage.

Exploration de la vulnérabilité
Derrière la beauté abstraite de ces entrelacs harmonieux de bandes magnétiques, d’éclats de CD ou de lacis de chutes de papiers sur fond noir, c’est la fragilité de la mémoire qu’aborde l’artiste canadienne. Plus largement c’est aussi celle de son œuvre, de ses archives enregistrées, stockées sur ces supports dont l’obsolescence technologique rapide, au fur et à mesure des progrès technologiques et des lois du marché, ramène aux risques de dépossession, de perte et d’oubli d’une création et de sa gestation, et plus généralement au renversement de la mémoire, à la fragilité d’une vie soumise aux aléas de l’enregistrement. Cette réflexion chez Barbara Steinman résonne d’autant plus fort que l’artiste s’est d’abord intéressée à ses débuts à la vidéo, avant de réaliser nombre d’œuvres in situ. Certaines sont éphémères, comme L’imperceptible trajet à la chapelle de l’Hôtel-Dieu à Troyes en 1993, ou au contraire permanentes comme Breathing Space réalisée pour le hall d’accueil de l’ambassade du Canada à Moscou en 2010 ou encore Rivières imaginée pour la nouvelle ambassade du Canada à Berlin. Montrée régulièrement à Toronto par la Olga Korper Gallery et tout dernièrement à la galerie Antoine Ertaskiran à Montréal où elle vit, l’œuvre de Barbara Steinman est également très présente dans les principaux fonds canadiens d’art contemporain. La fourchette de prix de ses œuvres s’étire de 2 900 euros, pour une épreuve chromogène sur papier Archive Fuji Cristal encadrée de la série « Strand III » (1/3 ; 50,8 cm x 40,64 cm), à 13 200 euros pour un grand format de la série « Reconfigurations » tel que la captivant Magnetic Tape : Half-inch, No.1, iridescent d’une lumière elle-même source de projection.

Un calme trompeur. Barbara Steinman

Jusqu’au 28 juin, Galerie Françoise Paviot, 57 rue Sainte-Anne, 75002 Paris, www.paviotfoto.com, jeudi-samedi 14h30-19h et sur rendez vous.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°416 du 20 juin 2014, avec le titre suivant : Distorsions de la mémoire

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