Art moderne

Des millions de toiles sur la Toile

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 27 juin 2016 - 745 mots

Les œuvres et objets d’art à vendre se multiplient sur Internet. Et, avec eux, tous les services nécessaires à ces achats en ligne.

On a longtemps pensé qu’acheter de l’art en ligne était inconcevable, qu’une œuvre devait pouvoir être observée de près pour en saisir toute la beauté, l’émotion. Force est de constater que, année après année, le marché de l’art se développe sur le web. Selon le dernier rapport de l’assureur Hiscox, il aurait même progressé de 24 % en 2015, alors même que les canaux traditionnels (marchands et maisons de ventes) observaient un net ralentissement. Bien sûr, les œuvres proposées sur la Toile n’atteignent pas les records de prix annoncés lors des ventes aux enchères les plus prestigieuses. Il n’empêche : là aussi, on commence à avoir des surprises.

De nouveaux acteurs
Ce qui pourrait encore faire évoluer la donne, c’est que les opérateurs en ligne se structurent, comme en témoigne la fusion, annoncée justement en pleine semaine de grandes ventes aux enchères à New York – un signal fort ? – de deux poids lourds du secteur, Auctionata et Paddle8.

Complémentaires, ces start-up spécialisées dans les enchères d’art sur la toile revendiquent ensemble 793 000 utilisateurs dans deux cents pays, et plus de cent cinquante millions de dollars de ventes annuelles. Auctionata réalise des ventes « live », plutôt d’objets de luxe et de collection (montres, sacs, vins, voitures), tel en juin 2015 un automate d’horloge du XVIIIe siècle acquis pour 3,37 millions d’euros par le Chinois Liu Yiqian, fondateur de Long Museum de Shanghai. Paddle8 opte pour des enchères d’art dans un temps limité, essentiellement des lots à moins de 10 000 dollars. Le tandem entend développer surtout le segment intermédiaire des biens valant jusqu’à 500 000 dollars.

Ces maisons, toutes deux dans le top 10 des acteurs du secteur, ont vu leurs ventes doubler l’an dernier selon le rapport Hiscox. Christie’s reste l’opérateur numéro un sur ce marché en ligne évalué à 3,27 milliards de dollars, suivi par Artsy, Artnet, Sotheby’s, Paddle8, Saatchi Art, 1stdibs, Artspace, Auctionata et eBay. Si les acteurs traditionnels séculaires ont compris l’intérêt de ne pas négliger Internet, ils pourront difficilement préserver leur situation de duopole sur la toile, estime encore Hiscox. D’autant que ces jeunes acteurs du web ont des stratégies mondiales offensives.

Ainsi, le moteur de recherche suédois Barnebys, qui agrège les informations de 1 400 maisons de vente, antiquaires, galeristes, a traduit sa plateforme en six langues, drainant un million d’internautes par mois en provenance de cent cinquante pays. Le hollandais Catawiki, qui a quatre-vingts catégories d’objets au catalogue, travaille en sept langues et bientôt dix. De cent millions d’euros de volume d’affaires en 2015, il table sur le triple cette année : chaque semaine, 28 000 objets sont adjugés ; le panier moyen s’élève à deux cents euros, mais une édition limitée de Lego Starwars a atteint 15 000 euros et une Porsche, 155 000 euros. Et certains effectuent des levées de fonds très importantes. Créée à Berlin en 2012, Auctionata a déjà levé 97,5 millions de dollars, auprès notamment du collectionneur Bernard Arnault, tandis que l’américain Paddle8 a réuni 44 millions de dollars et compte parmi ses investisseurs le très réputé galeriste David Zwirner.

De nouveaux services
Et la panoplie de services autour de l’art offerts sur Internet devient tentaculaire. D’après une étude Ateo, pas moins de 1,19 milliard de dollars ont été investis dans une vingtaine de ces start-up en douze ans, dont 84 % entre 2013 et 2015. Si bien que l’on arrive à la troisième génération de ces jeunes pousses. La première, de 2000 à 2008, était composée de sites d’information sur l’art, comme Artprice, Artnet, ArtFacts.Net, Blouin ArtInfo. La seconde, de 2012 à 2015 s’est intéressée au e-commerce, à l’instar de Paddle8, Auctionata, Artsy, Invaluable, Artspace, Saatchi Art. Et la troisième, depuis 2015, propose des prestations plus sophistiquées rendues possibles par la technologie, tels Collectrium pour gérer une collection, VeriStar pour la certifier, ou Articheck pour établir l’état des œuvres.

On est clairement entré dans une nouvelle ère d’achats en ligne, avec des acquéreurs qui, partout dans le monde, se sentent désormais en confiance. De nouveaux profils, plutôt geeks, apparaissent. Selon le rapport Hiscox, 31 % des acheteurs de la génération Y ont affirmé qu’ils avaient été influencés dans leurs achats par les réseaux sociaux, et surtout par Facebook et Instagram. De plus en plus de collectionneurs achètent même des œuvres directement sur leur mobile. Enfin, 92 % des personnes ayant acheté en ligne comptent investir une nouvelle fois sur Internet dans les douze prochains mois… 

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°692 du 1 juillet 2016, avec le titre suivant : Des millions de toiles sur la Toile

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