Vidéo

Des corps en exil

Par Pauline Vidal · Le Journal des Arts

Le 10 décembre 2014 - 488 mots

À la Galerie Odile Ouizeman, Mehdi Meddaci donne forme à l’expérience du manque et de l’absence que connaissent les populations émigrées.

PARIS - Remarqué au Centquatre en 2011 avec son intallation vidéo Murs, Mehdi Meddaci (né en 1980) conçoit ses films par cycle. Chaque cycle comprend plusieurs vidéos présentées simultanément sur plusieurs écrans. Les yeux tournent autour du soleil (2013), actuellement exposée à la Galerie Odile Ouizeman (après l’avoir été au Centre photographique d’Île-de-France, à Pontault-Combault) participe de cet éclatement visuel sur six écrans disséminés dans l’espace. Diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2006 puis du Fresnoy (à Tourcoing) en 2008, ce jeune artiste parvient ainsi à traduire avec beaucoup de pudeur les fractures de ceux dont l’histoire est faite de migration, d’exil et d’errance. Des fractures qui s’accompagnent de projections, de fantasmes et de rêves.

Entre rêve et réalité
D’origine algérienne, Mehdi Meddaci puise son inspiration dans l’histoire de sa famille, mais ce, sans jamais tomber dans l’autobiographie. Tout chez lui est en filigrane. S’il évoque la guerre d’Algérie, c’est à travers une pastèque (en référence à une anecdote racontée par son père) posée devant un mur criblé de balles. L’artiste n’est jamais dans le documentaire. Au contraire, son cinéma oscille en permanence entre rêve et réalité. C’est ainsi que la place de la cité La Paillade à Montpellier, où il a grandi, devient le décor d’une mystérieuse chorégraphie : les habitants du quartier tantôt posent debout, tantôt s’allongent au sol avant de se relever. À ces figures répondent celles de migrants diffusées sur les autres écrans. L’horizon s’y confond avec celui de la mer Méditerranée. Des hommes et des femmes longent des blocs de béton sur la jetée, un bouquet de roses rouges s’embrase, des hommes prennent la mer sur une barque, d’autres allument des fusées de détresse sur une estrade à la dérive. D’un écran à l’autre, des motifs comme celui d’un dormeur allongé se répètent comme autant d’indices à décrypter. Des ralentis étirent et déréalisent le temps tandis que la bande-son laisse entendre le bruit entêtant du ressac de la mer. Au final, aucune ligne narrative ne se dessine clairement, car il ne s’agit pas de raconter mais d’incarner l’expérience du manque et de l’absence, à travers ce qui est donné à voir dans l’image autant que dans ses intervalles, non-dits, hors-champ.
On retrouve la même mélancolie envoûtante dans les photographies présentées en parallèle. Issues d’un cycle commencé en 2003, elles enregistrent les traces d’histoires accidentées, à l’image de cet oiseau mort échoué tel un rêve brisé. Leur présentation sur feuilles luminescentes accroît leur potentiel fictionnel et dramatique.

Les photographies comme les six vidéos sont toutes éditées en cinq exemplaires. Les photos sont proposées à 1 800 euros pièce, les vidéos à 5 000 euros. Présenter de l’art vidéo est une vraie gageure pour une galerie car si les institutions et biennales en exposent souvent, son marché demeure un marché d’initiés.

Mehdi Meddaci, Les Yeux Tournent Autour du Soleil

Jusqu’au 16 janvier 2015 (fermeture du 23 décembre au 3 janvier), Galerie Odile Ouizeman, 10/12, rue des Coutures-Saint-Gervais 75003 Paris, www.galerieouizeman.com, du mardi au vendredi 14h-19, samedi 11h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°425 du 12 décembre 2014, avec le titre suivant : Des corps en exil

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