Enquête

Des agents au service des artistes

De plus en plus de galeristes ferment boutique et s’installent comme « agent d’artiste »

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 23 mai 2011 - 843 mots

La mutation de la profession de galeriste et les nouvelles contraintes pesant sur les artistes favorisent l’émergence d’une catégorie d’intermédiaires : les agents d’artistes. Tout à la fois superviseurs de la production, communicants ou gestionnaires, ils ne pourront cependant pas faire l’économie de la relation avec les galeries.

PARIS - Après le Parisien Serge Le Borgne qui choisit en 2010 de fermer sa galerie, c’est au tour de Frédéric Giroux (Paris) et de Matthias Arndt (Berlin) de tirer le rideau à la fin de l’année.
Une décision souvent liée à la tournure prise actuellement par le marché. « 50 % de ma décision de fermer est venue de la relation avec les artistes français [de la galerie]. C’était l’enfer de faire signer des contrats de production, il y avait une jalousie vis-à-vis des artistes plus connus », explique Serge Le Borgne. « Pour pouvoir continuer, j’aurais dû louer des locaux plus grands, prendre plus d’artistes, faire plus de foires et moins de choses intéressantes, renchérit Frédéric Giroux. Les galeries sont devenues des showrooms et non plus des laboratoires. Il y a d’autres façons de faire les choses. » Serge Le Borgne gère aujourd’hui le projet de l’institut dédié à la performance et imaginé par l’artiste Marina Abramovic [et dont l’ouverture est prévue en 2012 à Hudson, près de New York], et monte trois collections privées. 

De son côté, Arndt a décidé d’opérer comme agent, une profession éprouvée dans le domaine de la photographie, mais encore balbutiante dans le champ des arts plastiques. « 95 % du commerce se fait en dehors de la galerie, dans les foires et le second marché, souligne Matthias Arndt. Les artistes veulent travailler de façon indépendante dans leur production et dans leur distribution. Ils veulent être présents dans le marché global. Mais le système de distribution à l’ancienne est statique. Est-ce qu’un artiste peut être représenté par huit galeries ? Je ne le pense pas. Est-ce qu’une galerie peut représenter un artiste sur tous les continents, dans une vingtaine de foires ? Je ne le pense pas non plus. » Celui-ci compte organiser des expositions dans différents lieux, développer un rôle de conseiller auprès de collections, notamment en Asie et dans la région pacifique dont le potentiel est grandissant, et aider les artistes à trouver des représentations locales. « Dans un marché aussi grand, non réglé et peu transparent, un artiste, un collectionneur et même un musée ont besoin de contacts, de critères, d’orientations, de partenaires compétents et fiables », affirme-t-il. Un sentiment que partage Caroline Smulders. Après avoir fait ses armes à la galerie Thaddaeus Ropac à Paris puis chez Christie’s, elle a choisi la voie d’agent via sa société baptisée « I love my job », créée en 2007.

L’agence représente six artistes parmi lesquels Emmanuel Régent et Fabrice Langlade. « Un artiste a un atelier à faire fonctionner, des archives à conserver et une carrière à gérer, et c’est très difficile de s’en occuper dans une galerie, observe-t-elle. Le budget que je ne mets pas dans un loyer permet d’aider à la production, aux publications, et à une promotion auprès de gens que ces artistes ne pourraient pas rencontrer s’ils étaient dans une petite galerie. » Pour les plasticiens qui ont déjà une galerie, Caroline Smulders supervise la production de pièces lourdes, comme les sculptures en marbre de Madeleine Berkhemer. Un tel fonctionnement implique toutefois d’établir un partenariat avec des galeries. En janvier, Caroline Smulders a ainsi organisé une exposition chez Tanit à Munich. Une activité qui nécessite d’être financée par des opérations annexes de commissariat indépendant et de conseil aux collectionneurs. 

Intermédiaire
Bien qu’encore confidentiel, le concept d’agent commence à faire son chemin. André Magnin ou Hervé Perdriolle ont l’un et l’autre choisi de s’installer en appartement et de collaborer avec des galeries. Une manière de se lancer sans s’infliger de frais prohibitifs. Albertine de Galbert travaille jusqu’à présent avec une seule artiste, l’Argentine Voluspa Jarpa, qu’elle a mise en contact avec la galerie Vanessa Quang. En tant qu’agent, elle touchera 10 % sur les ventes effectuées en galerie. « J’apporte plus de flexibilité, un réseau différent, souligne-t-elle. Je suis libre et l’artiste aussi. Il n’y a pas de nécessité de résultats immédiats, contrairement à la galerie. » Après avoir animé pendant deux ans et demi un espace à Belleville, à Paris, Emilie Bannwarth officie depuis septembre dernier à partir de son appartement du Marais. « Le fait que je fonctionne en appartement ne change rien à la notoriété ou aux ventes de mes artistes, affirme la jeune femme. On peut aussi, de cette manière, choyer davantage la relation avec les créateurs et les collectionneurs, prendre le temps de discuter de manière plus approfondie. »
Pourtant, si le modèle actuel des galeries est amené à évoluer, il n’est pas encore dépassé. « Les acheteurs ont besoin de l’estampille de la galerie, admet Caroline Smulders. Si on n’a pas de galerie, les artistes vous quittent un jour ou l’autre car ils veulent une vitrine permanente, et en plus on se retrouve débouté des foires. » 

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°348 du 27 mai 2011, avec le titre suivant : Des agents au service des artistes

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