Analyse

De nouvelles pompes pour le réservoir français

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 novembre 2005 - 598 mots

Galeries et maisons de ventes étrangères ouvrent des bureaux à Paris.

Orgueilleuse, empêcheuse de tourner en rond dans les hémicycles internationaux, la France a cultivé une différence qui lui a parfois joué des tours. Sur le plan du marché, les Anglo-Saxons en ont toujours nié l’importance. Pourtant, en moins d’un an, deux galeries britanniques, Sprüth Magers Lee et Haunch of Venison, ont ouvert des bureaux à Paris. Directeur de la galerie londonienne Sutton Lane, Gil Presti a de son côté pris en charge une grande partie de la programmation de la galerie parisienne Ghislaine Hussenot. Malgré le tapage autour de la foire d’art contemporain de Londres Frieze Art Fair (lire p. 27), les collectionneurs britanniques seraient-ils moins nombreux que nos collectionneurs français ? C’est la conclusion que l’on pourrait tirer d’un hors-série publié par le quotidien britannique The Guardian durant Frieze. Sur une liste de cinq « collectionneurs », trois s’avèrent britanniques. Mais dans le lot deux achètent pour la Deutsche Bank et le Paisley Museum en Écosse. Gil Presti remarque que si le socle anglais est maigre, la plate-forme étrangère à Londres est en revanche très large et bien informée. Du coup, l’attrait de la France reposerait-il plutôt sur le second marché, une corde que Haunch of Venison et Sprüth Magers Lee ont à leur arc ? D’après Séverine Waelchli, responsable du bureau parisien de Sprüth Magers Lee, le travail d’accompagnement des artistes sur le premier marché est prioritaire. Le bureau a ainsi noué un partenariat avec la galerie Xippas (Paris) pour présenter jusqu’au 3 décembre l’un de ses poulains, le Berlinois Stefan Hirsig. Mais si le travail de premier marché n’aboutit pas dans un délai de deux à quatre ans, une bifurcation vers le second marché n’est pas exclue.
Le réservoir français vient d’attirer les maisons de ventes Phillips et Bonham’s à Paris. La première a rouvert un espace dans un immeuble de Nicolas Ledoux au moment de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC), tandis que la seconde a officialisé sa venue le 20 octobre. Responsable de l’antenne parisienne de Bonhams, Gaïa Donzet précise que la société a déjà dans son fichier dix mille clients français à la fois acheteurs et vendeurs. Un fichier nanti d’environ cinq cents nouveaux noms depuis l’ouverture officieuse en juin. De son côté, Leonie Moschner, en charge du bureau parisien de Phillips, confie que cette antenne a mandé depuis quelques mois près de 1,5 million de dollars (1 240 000 euros) d’œuvres (hors collection Didier et Clémence Krzentowski) (lire p. 22) pour les ventes de novembre à New York. Tout comme sa consœur de Christie’s Caroline Smulders, Leonie Moschner a fait ses armes chez le galeriste Thaddaeus Ropac. Il n’est pas anecdotique que les maisons de ventes aient récupéré deux cadres d’une galerie, située certes à Paris, mais nantie d’une clientèle internationale ! La capitale est d’ailleurs un élément du dispositif européen que Bonhams construit autour de nouveaux bureaux à Amsterdam, Stockholm et Vienne. Bien que le business soit le moteur de toutes ces initiatives, Phillips cherche à se démarquer de ses concurrents en organisant des expositions à Paris. Dès janvier-février 2006, l’antenne présentera un choix d’œuvres issues d’une collection privée suisse et mises en scène par deux commissaires d’exposition français, Stéphanie Moisdon et Éric Troncy. Suivra au printemps une exposition baptisée « Jeunesse éternelle ». La démarche n’est pas sans rappeler les premiers pas de Christie’s à Paris, en 2000, avec l’exposition « Des arts plastiques… à la mode ». Une façon de mieux faire passer la pilule dans un pays où « argent » est un vilain mot ?

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°224 du 4 novembre 2005, avec le titre suivant : De nouvelles pompes pour le réservoir français

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