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Comment les galeries relancent le jeu

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 2 juillet 2020 - 913 mots

PARIS

Les galeries parisiennes abordent l’été avec des expositions souvent en forme de points d’interrogation mais avec beaucoup d’énergie, en témoignent les plus de 60 participantes au Gallery Weekend qui se tient jusqu’ au 5 juillet.

Lucie Picandet, La Mort du Sphinx, 2020, oeuvre présentée dans l'exposition "Retour vers le futur" à la galerie Vallois. © Galerie GP & N Vallois, Paris
Lucie Picandet, La Mort du Sphinx, 2020, œuvre présentée dans l'exposition « Retour vers le futur » à la galerie Vallois.
© Galerie GP & N Vallois, Paris

Paris. C’est sous le titre « Demain est la question » que la galerie Chantal Crousel résume, pour son exposition d’été (jusqu’au 25 juillet) – qui reprend celui d’une œuvre de 2015 de Rirkrit Tiranvanija –, le moment de flottement que connaissent les galeries, dans leur dépendance au marché comme dans leur rapport au monde. Mobile en branche de bambou et plumes d’oiseau de Gabriel Orozco (Roiseau 3, 2012), sculpture mélangeant fougères, lichen et détritus de Mimosa Echard (Salomon, Ao, 2020), nature tropicale sérigraphiée sur toile de lin de Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla (Contract (AOC, L), 2014)… Réunissant une douzaine d’artistes, l’exposition cite en préambule un texte de l’écrivaine américaine Ursula K. Le Guin, réflexion sur « la place de l’homme et de la femme dans le règne du vivant ». On en est toujours là.

« Et pour toi, c’est quoi le monde d’après ? », interroge pour sa part la galerie Kamel Mennour (jusqu’au 24 juillet) en mélangeant dans son exposition des dessins d’enfants « du monde entier » et ceux de la trentaine d’artistes de la galerie, tous réalisés sur une feuille de format A4 et vendus au prix unique de 100 euros. Devant 1 700 dessins en tout, il faut avoir l’œil ou accepter de faire une bonne action : les bénéfices de l’exposition seront reversés à la Fondation Abbé Pierre et à l’hôpital Necker.

La peinture à l’honneur

« Looking forward », group show rassemblant onze artistes de la galerie, traduit chez Nathalie Obadia un sentiment d’attente teinté d’optimisme (jusqu’au 31 juillet). À l’heure qu’il est, la plupart des galeries sont dans l’expectative quant à la tenue de la Fiac (Foire internationale d’art contemporain) en octobre. Ce calendrier incertain invite à se recentrer sur les saisons : « Printemps Paris », chez Ceysson & Bénétière est une exposition de groupe renouvelée au fil des semaines (jusqu’au 25 juillet) ; « Summer », chez Almine Rech (jusqu’au 1er août), tient davantage du group show intergénérationnel autour d’exercices sur le motif (paysage, bouquet, portrait, scène de genre…), de Karel Appel à Alexandre Lenoir, un peintre âgé de 28 ans, dernière recrue de la galerie. Même effet de mélange générationnel, dans un esprit de cacophonie plutôt joyeux, à la galerie Vallois, qui fête cette année ses 30 ans d’existence et offre à travers une cinquantaine d’œuvres de « voyager dans le temps », depuis des pièces historiques (Jacques Villeglé, Niki de Saint Phalle…) jusqu’à celles réalisées pendant le confinement, de Julien Bismuth à Winshluss.

C’est dans un format plus intimiste que se déploie à la galerie Jérôme Poggi « L’arc-en-ciel de la gravité » (jusqu’au 18 juillet), référence à un roman de Thomas Pynchon et à une théorie d’astrophysique, prétexte surtout pour réunir Les Porteurs d’arc-en-ciel, 1963-1964, de Jean Messagier, un peintre français important que l’on redécouvre ; une série de monochromes vibrants et granuleux de Kees Visser ; une peinture pailletée sur toile libre de Paul Mignard ; un Hantaï qui se regarde recto verso ; une petite acrylique de Sam Francis ; un collage or et argent d’Anna-Eva Bergman… Mais aussi un polyptyque de photographies de Georges Tony Stoll (Thomas Pynchon Série, 1996), artiste fétiche de la galerie. La lumière est davantage le sujet ici que la peinture, qui domine par ailleurs la grande majorité des expositions. Outre les expositions collectives qui la mettent à l’honneur, comme « Rythmes et vibrations », chez Lelong & Co. (jusqu’au 24 juillet), plusieurs solos sont des expositions de peintres : paysages oniriques abstraits de Jules de Balincourt chez Thaddaeus Ropac (jusqu’au 5 septembre) ; variations sur la couleur de David Hominal chez Kamel Mennour (jusqu’au 23 juillet) ; visions révélées par des couches de glacis d’Édouard Wolton à la galerie Les Filles du Calvaire (jusqu’au 5 juillet) ; compositions d’aplats empreintes de spiritualité pour la quatrième exposition de Julie Beaufils chez Balice Hertling (jusqu’au 25 juillet). Le médium est propice aux moments de répit, au risque parfois du décoratif. Ce n’est pas le cas cependant avec la peinture très incarnée de Miriam Cahn, où le corps se donne à voir dans tous ses états, de plaisir et de décrépitude, dans les expositions que lui consacre, à la fois à Belleville et à Romainville, la galerie Jocelyn Wolff (jusqu’au 31 juillet).

Moninot chez Jean Fournier

Oser un solo show qui ne soit pas de peinture relève du pari : c’est celui que fait la galerie Jean Fournier avec cet « Ensecrètement » de Bernard Moninot (jusqu’au 25 juillet), autour de deux œuvres spatiales et de dessins préparatoires, entre narration spectaculaire et restitutions ténues. Cette troisième exposition personnelle rue du Bac se place cependant dans la perspective d’un cycle de rendez-vous institutionnels, du Centre d’art de Kerguéhennec à la Fondation Maeght, en passant par le Musée d’Issoudun.

Comme beaucoup de ses consœurs, la galerie Jean Fournier a choisi de donner à une exposition trop tôt fermée pour cause de pandémie une seconde chance pendant le Gallery Week-end, qui fédère, du 2 au 5 juillet, une soixantaine d’enseignes, beaucoup plus que sa précédente édition qui en comptait une quarantaine. Rencontres, visites d’exposition, garden party… : le programme témoigne de la volonté des galeristes de relancer le jeu. De même que des initiatives telles que le nouvel espace de Perrotin avenue Matignon, les grands travaux de réaménagement prévus à la galerie Jérôme Poggi, ou l’ambitieux projet hors les murs de Christophe Gaillard

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°549 du 3 juillet 2020, avec le titre suivant : Comment les galeries relancent le jeu

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