Commandée par la reine

Une chaise du boudoir de Marie-Antoinette à Drouot

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 4 février 2000 - 557 mots

Elle fut la muse de Proust et la cousine inséparable de Robert de Montesquiou. Un ensemble de meubles qui ont occupé la demeure de la comtesse Greffulhe, rue d’Astorg, sera dispersé à Drouot le 6 mars par Me Jean-Claude Binoche. Parmi les plus belles pièces figurent une chaise estampillée Jacob, commandée par la reine Marie-Antoinette, et six chaises du même ébéniste commandées par le comte d’Artois pour le Pavillon de Bagatelle.

PARIS - “Madame la vicomtesse Greffulhe sera chez elle les jeudis”. C’est par cette carte qu’Élisabeth de Caraman Chimay, future comtesse Greffulhe, ouvre en 1882 son salon de la rue d’Astorg. Celle qui deviendra la muse de Proust a alors vingt-deux ans, sa fille Elaine vient de naître. À cette époque, son mari Henri Greffulhe achète des meubles estampillés Jacob et des tapisseries de Beauvais pour le grand salon, et garnit les lieux avec les collections rassemblées par son père et ses grands-oncles au cours du XIXe siècle. La collection comprend notamment une remarquable chaise en bois redoré estampillée Jacob (500-600 000 francs), commandée en 1784 par la reine Marie-Antoinette avec un canapé, quatre fauteuils, deux chaises, un tabouret de pied et un écran. Mis en vente le 30 septembre 1793, cet ensemble a été acheté 29 230 livres sterling par M. Henning, propriétaire de l’hôtel Schröder dans la station thermale allemande de Pyrmont. La reine Louise de Prusse occupera en 1806 la chambre qu’ornaient ces meubles. Conservé un siècle durant dans cette collection, le mobilier sera acquis en partie par le Musée des arts décoratifs de Berlin, pillé et incendié au cours de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années quatre-vingt, le Musée de Versailles a fait l’acquisition de deux des quatre fauteuils. La chaise achetée en 1890 par le comte Greffulhe, conservée dans la famille jusqu’à nos jours, présente des montants en forme de torche ; le cartouche est entouré de têtes d’aigle et de coq tenant dans leur bec un chapelet de perles, des fleurs et des fruits ; ses quatre pieds sont en forme de carquois. Également estampillées Jacob, seront proposées six chaises à dossier en trapèze en bois doré présentant les marques du comte d’Artois (A.T.), de son garde- meuble (G.M.) et de Bagatelle avec un B couronné (1,2-1,5 million de francs). La série commandée en 1778 par le comte d’Artois pour le salon de Bagatelle comportait à l’origine seize chaises.

Une paire de consoles de coin à trois plateaux due à Richter, ébéniste privilégié du comte d’Artois (500-600 000 francs), un bureau plat de style Louis XV attribué à Henri  Dasson (800 000 francs), copie d’un meuble BVRB commandé par le Dauphin pour son cabinet de Versailles, et un paravent de la Savonnerie à trois feuilles, à décor de singes d’après Desportes (1-1,2 million de francs), complètent cet ensemble.

La collection comprend aussi des objets de vitrine, des céramiques, dont un vase de Venise du XVIIe siècle en majolique (60-80 000 francs), et un grand cartel en bronze attribué à Boulle (300 000 francs). Parmi la dizaine de tableaux et de dessins anciens dispersés, se distinguent une huile d’Hubert Robert, Les Lavandières près d’un temple à colonnades (350 000 francs), un dessin du même artiste qui représente un personnage se promenant aux abords d’un château fort (60 000 francs), ainsi qu’une toile attribuée à François de Troy (50 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°98 du 4 février 2000, avec le titre suivant : Commandée par la reine

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