Peinture

Claire Tabouret

La galerie Gounod présente les exilés de la jeune artiste

Le Journal des Arts

Le 1 février 2012 - 515 mots

PARIS - En pleine mer, voguent des barques et des gens, amassés dedans. On ne perçoit ni l’horizon ni les regards, à peine les visages. Ils sont des ombres perdues, en arrêt, stagnantes. Ils ressemblent à des gisants que l’on aurait redressés, le temps d’un instant, sur un tombeau flottant.

Mirages usés, fatigués. Ce sont des migrants, des exilés, errants dans une zone où la vie ne tient plus qu’à des filaments, quelque part au large de rien. Leur destination est un doute, leur voyage une épreuve. Noyé dans des couleurs marécageuses, ils n’avancent plus. Ils sont déjà un souvenir, une trace sombre, les vestiges d’une image. Leur disparition est complète lorsque sur des toiles immenses, seuls apparaissent des radeaux échoués, des embarcations précaires, des abris d’infortune, désertés, des tentes de misère, vides. En somme, des naufrages. Les peintures de Claire Tabouret ne cherchent pas à séduire. Elles sont radicales, engagées. Elles s’appuient sur des faits d’actualité « sensibles », racontent des catastrophes humaines, des histoires sociales et politiques. « J’ai voulu à la fois me confronter à des images d’actualité et à la peinture d’histoire, à Géricault et son radeau, présents, en filigrane dans l’exposition, explique la jeune artiste française de 30 ans. C’est très périlleux et je préfère prendre des pincettes. Je fais de la peinture, je ne fais pas de dénonciation mais j’ai une conscience politique et un rapport au monde nourri par cette conscience. » Isabelle Gounod, sa galeriste, aime son culot. « Elle a proposé, confie-t-elle, pour le prix SJ Berwin, prix du grand cabinet d’avocats d’affaires international, un très grand format représentant des réfugiés ! Et elle a gagné. » Quand Claire Tabouret s’arrête sur une image, le plus souvent glanée dans les flux d’Internet, elle vise son épuisement. « Je la presse, je l’essore, dit-elle, comme un tissu très mouillé, jusqu’à en extraire une lumière interne. De là, viennent les séries. » Et il y a dans ses toiles, un accord entre fond et forme. Les couleurs fangeuses, les gris souterrains, l’esthétique dépressive, austère, sont les reflets brumeux des sujets qu’elle aborde. « Je travaille avec une peinture très diluée et j’appose une première couche vive pour ensuite entamer des recouvrements jusqu’à atteindre un obscurcissement précise-t-elle. Je cherche un point où l’image est à la fois présente et absente ». Hantée par la chose liquide, Claire Tabouret, depuis 2009, dessine sur papier, au feutre acrylique, une série de maisons inondées, moins sévère, plus facile d’accès. Et de ces pavillons noyés, il ressort l’impression placide d’une tragique beauté, celle après la tempête.

Côté vente, « pour l’instant, les petits formats à 900 € sont tous partis, précise Isabelle Gounod, et le cabinet SJ Berwin doit acquérir un grand format à 11 000 € ». Les bateaux de l’exil de Claire gagneront-ils la terre des collectionneurs ?

CLAIRE TABOURET, « L'ÎLE »

Prix : de 900 à 11 000 euros

Jusqu’au 18 février 2012, Galerie Isabelle Gounod, 13 rue Chapon, 75003 Paris. Tèl : 01 48 04 04 80, , du mardi au samedi de 11h à 19h et sur rendez-vous

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°362 du 3 février 2012, avec le titre suivant : Claire Tabouret

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