Christie’s, première en ex-RDA

Vente d’œuvres confisquées en 1945 par les communistes

Par Martin Bailey · Le Journal des Arts

Le 22 mai 1998 - 541 mots

Christie’s dispersera les 26 et 27 mai, à Gera, en Thuringe, les œuvres des princes Reuss, dont les trésors avaient été confisqués par le régime communiste en 1945. Elle sera ainsi la première maison internationale à organiser une vente en ex-RDA (hors Berlin) et pourrait bien ouvrir la voie à une série de vacations de trésors princiers confisqués pendant la Seconde Guerre mondiale.

LONDRES (de notre correspondant) - La branche cadette de la famille Reuss a régné sur la petite principauté de Thuringe jusqu’à l’abdication de Heinrich XXVII, en 1918, puis est demeurée à Gera jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand son château d’Osterstein a été endommagé par de violents bombardements. Lorsque les troupes soviétiques se sont rapprochées de la ville, en 1945, les Reuss se sont réfugiés à l’Ouest et ont dû renoncer à emporter leurs trésors, qu’ils ont cachés dans les caves du château, à l’abri des bombes. Certains des objets ont été pillés par l’Armée rouge, mais le cœur de la collection a été épargné, puis confisqué par le régime communiste. Les plus belles pièces ont été exposées dans des musées locaux, et le reste, représentant plus de 90 % de la collection, stocké dans des entrepôts.

En 1990, après la réunification de l’Allemagne, la princesse Woizlawa-Feodora Heinrich I Reuss est revenue à Gera. En octobre 1997, elle est parvenue à un arrangement avec la municipalité sur les œuvres d’art de grande valeur que la famille avait dû abandonner en 1945, en vertu duquel elles seront réparties entre la famille et différents musées locaux, qui en exposeront certaines. Le dernier tiers de la collection sera vendu par Christie’s, les 26 et 27 mai, au théâtre de Gera. Ces 640 lots comprennent du mobilier, des céramiques et de la verrerie, des armes et des armures, des sculptures et des tableaux provenant du château d’Osterstein, mais aussi d’autres résidences de la famille Reuss.
Parmi les pièces vedettes, figure du mobilier de la fin du XVIIIe siècle créé par David Rœntgen, dont un bureau orné de bronzes dorés, estimé 150-225 000 deutschemarks (500-750 000 francs) et une table tripode en acajou à 60-90 000 deutschemarks (200-300 000 francs). L’un des plus beaux services de verres gravés allemands jamais mis en vente sera également proposé. Il comprend notamment une très rare coupe gravée de Dominik Biemann, estimée 60-90 000 deutschemarks.

Pour les sculptures, la plus belle pièce, une Amazone de bronze exécutée par Franz von Stuck en 1897, est estimée 18-24 000 deutschemarks (60-80 000 francs). Parmi les tableaux, moins importants, sont dispersés des peintures de maîtres anciens et des portraits, estimés au plus 10 000 deutschemarks. L’un des lots les plus évocateurs est la collection de pièces de monnaie rescapée de l’incendie qui a dévasté le château en 1945. Le produit de cette vente devrait se chiffrer à quelque 3 millions de deutschemarks (10,5 millions de francs).

Le Land de Thuringe comptant à lui seul cinq autres familles princières qui ont été dépossédées de leurs œuvres d’art par les communistes – dont deux d’entre elles, les Saxe-Weimar-Eisenach et les Saxe-Meiningen, sont à la tête d’une collection bien plus importante que celle des Reuss –, on peut sans doute s’attendre à de belles enchères dans les années à venir.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Christie’s, première en ex-RDA

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