Chèvre, mouton ou âne ?

Meubles et objets en parchemin chez Jacques De Vos

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 730 mots

Une quinzaine de meubles rares et élégants, gainés de peau de chèvre, de mouton ou d’âne, mais aussi des luminaires et des vases datant des années 1921 à 1935, figurent dans l’exposition « Le parchemin dans l’Art déco » qui se tient jusqu’au 31 juillet à la galerie Jacques De Vos. Ces œuvres, qui apparaissent rarement en vente publique, sont signées Jean-Michel Frank, Adolphe Chanaux, Pierre Legrain, Marcel Coard et André Arbus.

PARIS - “L’exposition s’articule autour d’un ensemble créé par Jean-Michel Frank et Adolphe Chanaux pour la collection personnelle d’un de leurs plus proches collaborateurs. Ces pièces – armoire, commode, lit, table de nuit, siège – n’ont encore jamais été montrées au public”, explique Jacques De Vos. Jean-Michel Frank et Adolphe Chanaux ont été les principaux créateurs de meubles utilisant le parchemin, un matériau très recherché obtenu à partir de peau de chèvre, de mouton ou d’âne, cirée ou vernie, la peau d’âne étant le plus souvent employée pour les pièces de grande taille. Sa délicatesse au toucher, sa fragilité et sa luminosité font du parchemin un symbole du luxe. “L’élégance de ce matériau permet d’accentuer la force des lignes épurées et confère aux meubles en parchemin une certaine féminité”, poursuit l’antiquaire. Associés au début des années trente, Frank et Chanaux proposent dans leur galerie du 140 faubourg Saint-Honoré des créations dépouillées et élégantes qui meubleront les appartements de riches clients, comme cette commode demi-lune entièrement gainée de parchemin orné des boutons de tiroirs à pions d’échec en ivoire (330 000 francs). Le parchemin est associé à d’autres matériaux, tel le palissandre dans un bureau de dame aux formes Louis XVI de Jean-Michel Frank, ou, autre pièce rare estampillée J.M. Frank-Chanaux & Cie et exécutée en 1938, un tabouret à piétement en forme de X gainé de parchemin sur une âme en chêne.

Aux côtés de ces meubles provenant d’une collection parisienne, figurent des créations de Pierre Legrain, Marcel Coard et André Arbus. Pierre Legrain utilisait des matériaux rares et chers qu’il associait entre eux : bois exotiques, galuchat, nacre, cuir ou parchemin. Connu à l’origine pour ses reliures, il a par la suite créé des meubles – pratiquement toujours des pièces uniques – pour le couturier Jacques Doucet, parmi lesquels une série de quatre chaises en palmier et laque, aujourd’hui conservées au Musée des arts décoratifs à Paris, ou un porte-estampes à l’apparence d’un meuble de voyage en parchemin, orné d’un fermoir central en métail nickelé et soufflets en maroquin bleu cobalt (1 million de francs).

Marcel Coard, lui aussi un des premiers utilisateurs du parchemin, a également travaillé pour Jacques Doucet. Il a créé pour lui des pièces uniques mélangeant divers matériaux, comme cette table basse en palissandre à plateau recouvert de parchemin et décor de faux lapis-lazuli sur les côtés du piétement. Dans les années quarante, il a réalisé un ensemble de salle à manger composé de six chaises gainées de parchemin et d’une table à plateau recouvert de feuilles de parchemin séparées par un filet doré reposant sur un piétement en fer doré à la feuille. “La délicatesse du parchemin et la rudesse du fer, adouci par la feuille d’or, provoque un contraste d’où émane puissance et élégance”, souligne Jacques De Vos. Quelques pièces d’André Arbus, de facture plus classique et empruntant parfois des formes à l’époque Louis XVI, sont exposées, dont un élégant secrétaire en chêne cérusé à pente en parchemin présenté à l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne, en 1937. “André Arbus décolore les peaux qu’il utilise, contrairement à Jean-Michel Frank qui préfère les maintenir dans leur apparence d’origine en jouant sur les défauts”, explique Jacques De Vos. L’exposition propose également des vases et des luminaires de Diego et Alberto Giacometti, des miroirs et des cadres (120-130 000 francs), ainsi que des boîtes et des objets décoratifs de Frank (à partir de 40 000 francs).

Ces meubles en parchemin apparaissent rarement en vente publique. Un grand bureau de Paul Dupré-Lafon en acajou gainé de cuir, et doté de tiroirs en parchemin, est parti à 1,3 million de francs sans les frais le 19 mai à l’espace Tajan. Il avait été vendu 250 000 francs en 1990 par le même commissaire-priseur.

LE PARCHEMIN DANS L’ART DÉCO

Exposition-vente jusqu’au 31 juillet, galerie Jacques De Vos, 7 rue Bonaparte, 75006 Paris, tél. 01 43 29 88 94, tlj sauf dimanche 10h30-13h et 14h-19h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : Chèvre, mouton ou âne ?

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