Analyse

Charity business

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 4 mars 2005 - 628 mots

Les maisons de ventes aux enchères organisent régulièrement des ventes de charité. Une niche comme une autre ?

Le 4 février, Christie’s organisait à New York une vente de charité autour du tsunami de décembre 2004. Le 12, l’écurie de François Pinault mettait en vente une Smart Lalique aux profits des enfants afghans. Le 14, à Drouot, l’opération Pièces jaunes au profit de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France générait 200 000 euros. Tajan emboîtait enfin le pas, le 24 février, avec une vente de vins pour la construction d’un hôpital à Kaboul. Que le marché de l’art, habituellement cynique, se pique d’une telle débauche de charité prête à sourire. Au royaume du business, la Charity serait-elle une niche comme une autre ? Non, semble-t-il, car de tels événements, parfois confidentiels, ne drainent pas spécialement d’affaires juteuses dans leur sillage.
Ces ventes se segmentent en deux catégories. D’un côté, celles organisées de manière traditionnelle, mais dont les produits sont destinés à une œuvre humanitaire, comme la vente du château de Gallerande (1,7 million d’euros), le 30 mars 2004, au bénéfice des œuvres hospitalières de Malte ou encore la vente René Gaffé (27,8 millions de francs), le 8 décembre 2001, en faveur de l’Unicef, toutes deux chez Christie’s. Une partie des bénéfices de la vente du baron de Redé chez Sotheby’s, les 16 et 17 mars prochains, sera aussi reversée à la recherche médicale. La vente des souvenirs du Concorde (3,3 millions d’euros) au profit de la Fondation Air France, le 15 novembre 2003, occupe une place à part.

Miroirs d’artistes
Directeur de cabinet du président d’Air France, Guy Tardieu reconnaît que si la finalité n’avait pas été caritative, celle-ci n’aurait tout bonnement pas eu lieu. Concorde relève de l’imaginaire collectif des employés, qui n’auraient pu tolérer une dispersion purement mercantile de ce patrimoine.
Par ailleurs, les maisons de ventes sont régulièrement sollicitées pour prêter leur logistique et leurs marteaux à des associations caritatives. Pour qu’une telle vacation soit réussie, François Curiel, président de Christie’s France, égrène les ingrédients : une cause « belle et juste », une association très impliquée capable de battre le rappel des médias et du public, la présence de stars consensuelles et enfin un commissaire-priseur charismatique.
Marathonien de cette spécialité, Pierre Cornette de Saint Cyr observe aussi qu’il ne faut pas faire la morale au public, faute de faire un flop. L’implication de l’association est déterminante. La vente « Contre l’oubli » organisée par Christie’s avec Alzheimer France, le 18 septembre 2004, a laissé un goût mitigé car l’association était restée en retrait. Or une vente de charité n’est pas une vente livrée clés en main.
La veine caritative mobilise aussi artistes et entreprises. En janvier dernier, des artistes comme Franck Scurti et Daniel Pflumm s’étaient engagés dans un partenariat aux côtés de Smiley pour lutter contre toutes les formes d’exclusion. Jusqu’au 15 mars, l’espace Tête à Tête Arts présente des miroirs réalisés par des artistes comme Adami, Jeff Koons et Pierre et Gilles pour soutenir le combat contre la maladie d’Alzheimer de la fondation Claude-Pompidou. L’artiste britannique Damien Hirst s’abandonne aussi parfois à des accès de charité. Lors de sa vente « Pharmacy », le 18 octobre 2004, chez Sotheby’s, il avait cédé un Pill Painting (173 600 livres sterling, soit 250 700 euros) au profit de la Fondation Scope pour les personnes démunies. En février de la même année, il avait vendu chez Sotheby’s une maquette baptisée Charity (140 000 livres sterling, soit 202 300 euros) et une Butterfly Painting (240 800 livres, soit 347 800 euros). Le titre de cette œuvre était d’ailleurs circonstancié : What a beautiful thing to do. What a normal thing to do, lorsqu’une vente « Pharmacy » rapporte 11,1 millions de livres (16 millions d’euros).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°210 du 4 mars 2005, avec le titre suivant : Charity business

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