Paris

Chaissac haut en couleur

L’inclassable génie autodidacte est doublement exposé à Paris, dans un habile découpage historique

Par Armelle Malvoisin · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2011 - 510 mots

PARIS - Fruit du hasard, deux galeries parisiennes ont eu en même temps le projet d’une exposition sur Gaston Chaissac (1910-1964).

Mais plutôt que de se concurrencer, elles ont astucieusement choisi de faire un événement jumelé, profitant de la proximité géographique de leurs deux sites pour renvoyer réciproquement leurs visiteurs l’une vers l’autre. Un découpage historique s’est naturellement opéré, entre la galerie Louis Carré & Cie et la galerie Brame & Lorenceau. La première, qui avait déjà montré l’artiste, possédait davantage d’œuvres de ses débuts. Les années 1940 sont une période d’apprentissage où l’artiste, qui produit beaucoup de dessins, se cherche. Pour mémoire, il commence à peindre à 27 ans, en 1937, après sa rencontre avec Otto Freundlich et sa compagne Jeanne Kosnick-Kloss.

Farouchement indépendant
La galerie Brame & Lorenceau a eu l’opportunité d’obtenir une collection axée sur une production plus mature de Chaissac, et elle a étoffé son accrochage de pièces prêtées par des collectionneurs. Aussi seuls 30 % des œuvres présentées sont à vendre. C’est un Chaissac fantaisiste et haut en couleur qui est à voir, semblant en pleine jubilation. Mais, en réalité, l’homme vit dans le plus grand dénuement. Farouchement indépendant, il refuse d’être assimilé au mouvement de l’art brut dans lequel Dubuffet l’avait enfermé et qui a fait un temps sa notoriété. Il s’est alors isolé en Vendée. Les années 1950 marquent, par manque de moyens, le temps de la récupération d’objets qu’il trouve dans des décharges et qu’il utilise comme support. Cela donne une véritable effervescence à ses créations. Pour Tête à la bouche rieuse (1955), il a peint un visage sur un morceau de tôle cabossée qu’il a cloué sur un manche en bois peint. Pour Composition à une tête de face chapeautée (1955), il a utilisé un plat en céramique qu’il a peint sur l’envers. Ses grandes compositions sur toile, isorel, carton ou papier marouflé sur toile, font exploser les formes et les couleurs. Les collages de papiers peints, dont il s’est procuré des échantillons, habillent les personnages et font vibrer les fonds de ses compositions.

Les fabuleux totems apparaissent à la fin de la vie de Chaissac. Un Personnage au visage souriant (1959) se dresse sur un morceau de bois. L’homme debout devient une évidence pour l’artiste qui, en 1960, peint sur papier kraft une Composition totémique qu’il prévoit de découper pour la contre-coller sur un support adéquat. Plusieurs autres totems peints directement sur des planches de bois de récupération, réalisés entre 1961 et 1964, illustrent ce travail. Enfin, six lettres de 1963, issues de la correspondance de Chaissac avec le marchand new-yorkais Arne Ekström, montre son grand talent d’épistolier.

GASTON CHAISSAC 1940-1950
Jusqu’au 19 novembre, galerie Louis Carré & Cie, 10, avenue de Messine, 75008 Paris, tél. 01 45 62 57 07, www.louiscarre.fr, tlj sauf dimanche 10h-12h30 et 14h-18h30, lundi 14h-18h30. Catalogue, 20 €

GASTON CHAISSAC, ŒUVRES DE 1951 À 1964
Jusqu’au 19 novembre, galerie Brame & Lorenceau, 68 boulevard Malesherbes, 75008 Paris, tél. 01 45 62 57 07, www.gbl.fr, tlj sauf dimanche et lundi 10h30-12h30 et 13h30-18h30. Catalogue, 20 €

GASTON CHAISSAC

Prix : entre 15 000 et 140 000 euros (2 000 à 3 000 euros pour les lettres)

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : Chaissac haut en couleur

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