ART CONTEMPORAIN

Cerith Wyn Evans en sons et lumières

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 21 juin 2017 - 714 mots

Les grandes sculptures aériennes en verre de l’artiste gallois invitent le spectateur à vivre une expérience sensorielle en provoquant la perception altérée de la vue et du son.

Paris. Pour cette première exposition parisienne (et même à l’international) chez Marian Goodman, qui marque le début de leur nouvelle collaboration, Cerith Wyn Evans (né en 1958 au pays de Galles, il vit à Londres) a manifestement voulu marquer le coup avec une présentation de trois importantes installations, fortes et radicales, tout en restant fidèle à ce que le public a déjà vu de lui à Paris. Car l’artiste n’y est pas inconnu. Il a notamment exposé à l’ARC, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2006, puis chez Yvon Lambert en 2012 et était présenté à l’inauguration de la Fondation Louis Vuitton, dont il fait partie de la collection.

C’est dans le même registre que l’ exposition de son installation d’une dizaine de lustres à l’ARC démarre ici. Il en a en effet suspendu deux, identiques, de plus de deux mètres de hauteur, spécialement réalisés pour l’occasion, dans la grande salle du rez-de-chaussée. Mais cette fois, ils ne parlent pas le morse comme au musée précité, mais sont connectés à une composition musicale, jouée au piano par l’artiste lui-même, en fonction de laquelle ils s’illuminent ou s’éteignent. Chaque lustre est programmé séparément et ils sont synchronisés 3 heures par jour. La bande-son dure 9 heures, mais nul besoin de rester aussi longtemps pour comprendre l’idée du dialogue qui se crée entre eux et se laisser envelopper par l’esprit hypnotique, baroque et oriental de l’ensemble – puisque les lustres sont des répliques créées à partir des plans de ceux commandés par le shah d’Iran dans les années 1970.

C’est encore la déclinaison ou, compte tenu de son sujet, la réinterprétation d’une œuvre qui occupe, au sous-sol, la salle voûtée. Il s’agit d’une immense flûte en cristal, elle aussi suspendue, proche de celle (mais plus petite ici) de la Fondation Vuitton. En résumé, des souffles, programmés par un boîtier, passent dans les tubes transparents et créent une musique qui envahit tout l’espace. La légèreté, la transparence et le son sont également les caractéristiques de la plus importante installation de l’exposition, présentée, au sous-sol encore, dans la grande salle. Elle est composée de quinze panneaux de verre, eux aussi suspendus par des filins, répartis en trois cercles de cinq, avec un petit haut-parleur collé sur chacun d’entre eux pour la diffusion d’une bande sonore. Tout autour de la salle, court, telle une frise, une phrase à rallonge et en néon (la lumière à nouveau) : elle est immense, complexe, puisque composée à partir de textes de Marcel Duchamp et Michel Foucault et d’autant plus difficile à lire et à comprendre qu’elle est morcelée par les jeux de rupture et de reflets générés par les plaques de verre. Vertige d’autant plus assuré qu’elle entraîne le spectateur dans un mélange des genres, des sens et des sensations pour lui faire vivre une expérience totale proche de la synesthésie et le promener entre le visible et l’invisible, le matériel et l’immatériel et différents langages.

Un ex-réalisateur de films
Avec leur précision d’horloger, leur esthétique raffinée, leur science de l’espace, les œuvres rappellent qu’avant de faire des sculptures et des installations Cerith Wyn Evans était, jusqu’au début des années 1990, réalisateur de courts-métrages et de films expérimentaux. Il en garde ce souci des cadrages et des plans tirés au cordeau. De même continue-t-il de donner forme à son intérêt porté depuis le début de sa carrière à la littérature, à la philosophie – et de façon encore plus générale à la culture. En témoigne la petite exposition, dont il est le commissaire, présentée dans la librairie de la galerie. Elle réunit un petit dessin d’Antonin Artaud, un grand de Pierre Klossowski, un statement de Lawrence Weiner et une sculpture de Isa Gensken. Comme une quatrième œuvre en quelque sorte.
Les prix vont de 100 000 à 300 000 euros environ. Une somme élevée, mais qui concerne ici des installations d’une taille très importante. Et puis, il ne faut pas oublier que l’artiste a une riche biographie et est présent dans les collections de grands musées internationaux, dont le MoMA à New York, la Tate Modern de Londres, le Centre Pompidou.

Cerith Wyn Evans, as if, seeing in the manner of listening… hearing, as if looking

jusqu’au 28 juillet, galerie Marian Goodman, 79 rue du Temple, 75003 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°482 du 23 juin 2017, avec le titre suivant : Cerith Wyn Evans en sons et lumières

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