Entretien

Catherine Thieck et Marion Dana, directrices de la « New Galerie de France », à Paris

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 793 mots

Catherine Thieck, directrice de la Galerie de France, à Paris, et Marion Dana, ancienne spécialiste de Sotheby’s à Paris, se sont rejointes en décembre pour lancer la « New Galerie de France ». Coup d’envoi le 23 février.

En quoi la New Galerie de France est-elle différente de l’ancienne Galerie de France ?
Catherine Thieck : C’est une autre manière de travailler. Je voulais quitter les rails du marché. L’idée est de créer un courant d’air, aujourd’hui où l’on ne parle que « liste d’attente », « marchandise », « 300 000 dollars étalon ». Avec la New Galerie de France, nous allons fabriquer autre chose parce que nous sommes deux, dans un dialogue et un échange ouvert. Beaucoup de collectionneurs, et d’artistes, attendent ce modèle-là. Nous leur offrirons la possibilité de s’engager.
Marion Dana : Je voulais depuis mai dernier ouvrir une galerie. J’avais trouvé un petit lieu dans le Marais. Quand Catherine m’a proposé de partager son espace, j’ai été honorée. Ce lieu est magique pour moi et pour tous les jeunes artistes que j’y exposerai. Dans ce contexte, toutes les chances de réussir de belles expositions sont de leur côté.
C. T. : Ce lieu est un espace d’artiste. Ceux qui y sont passés ont laissé des traces, une âme. Cela fera gagner du temps à Marion. Au premier coup d’œil, on voit si les œuvres tiennent ici.

Un espace avec une telle stratification d’artistes importants n’est-il pas intimidant pour les jeunes créateurs ?
M. D. : Les artistes m’ont dit que travailler dans ce lieu était un rêve. Ils ne pouvaient imaginer que je leur apporterais une telle opportunité. Ils savent que c’est une chance qu’ils ne peuvent pas manquer.

Comment les artistes de la Galerie de France ont-ils réagi à l’aventure ?
C. T. : J’avais décidé d’arrêter la « routine » il y a plus d’un an. Des artistes comme Rebecca Horn et Patrick Faigenbaum avaient besoin d’une galerie et ont rejoint respectivement Daniel Lelong et Nathalie Obadia. Nous allons continuer à collaborer avec eux, mais d’une manière différente. Par exemple, nous mettrons en place en 2009 une importante exposition de Patrick Faigenbaum, avec uniquement ses photographies sur l’art. C’est un projet de longue haleine, impossible à concevoir dans le rythme classique d’une galerie. Quant à Martial Raysse, il m’a tout de suite dit : “Ouf ! enfin ! ”. Cette nouvelle fraîcheur est tout à fait à son goût. Quand j’ai exposé des artistes chinois avant tout le monde, voilà une dizaine d’années, Martial était mon principal allié.

De quelle façon vous partagerez-vous la programmation ?
C. T. : Simplement, en dialoguant autour d’une table. Marion aura à cœur de former un groupe d’artistes, et moi je m’attacherai plutôt à des individualités, des projets singuliers. Nous allons monter cinq à six expositions par an, sans participer à la course aux foires établies. Marion tentera plutôt Liste à Bâle ou la Cour carrée du Louvre pour la FIAC (Foire internationale d’art contemporain). Notre programme doit être lu comme une histoire, sans coupure, dans un lieu souple, à l’écoute et multiple. C’est aussi le lieu quotidien où s’établit l’inventaire de l’œuvre de Martial Raysse. La New Galerie de France ouvre avec Chris Marker, artiste rare. En fin d’année, est prévu un Martial Raysse « off », avec ses films, ses poèmes, ses objets, ses lubies. Autre projet, un Julian Schnabel inédit pour 2009.
M. D. : D’avril à mai, je présenterai Jonathan Delachaux, un jeune peintre jamais montré en France. Puis, jusqu’à la fin octobre, deux autres expositions sont envisagées dans cet esprit. À chaque fois, je veux que soit produit un petit catalogue, ou un vrai texte, qu’il y ait une pensée sur chaque exposition. Que nous prenions date avec chaque artiste. Je travaillerai peut-être avec des artistes plus âgés. Ni Catherine ni moi ne sommes dans le générationnel ou le national.

Qu’est-ce qui distingue cette nouvelle histoire des « Project Space » que des galeries plus établies créent parfois ?
C. T. : Ce n’est pas un département, dans un coin, mais une rencontre. Nous sommes sur le principe de l’osmose et des vases communicants.

L’une a-t-elle un droit de veto sur les choix de l’autre ?
M. D. : Si Catherine n’approuve pas mon choix, c’est à moi de la convaincre. Si je crois au projet, je le ferai.
C. T. : On se fait assez confiance pour être soi-même. On peut se tromper, mais pas tricher.

L’essentiel, c’est d’éviter l’effet Kleenex.
C. T. : Pas de risque, nous sommes dans un engagement.
M. D. : Je veux construire une communauté, suivre les artistes et qu’ils m’accompagnent aussi. Ne pas sauter dans le premier train. Je souhaite travailler avec des créateurs qui ont des univers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Catherine Thieck et Marion Dana, directrices de la « New Galerie de France », à Paris

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