galeries

Bruxelles, capitale de l’art primitif

L'ŒIL

Le 1 juin 2001 - 580 mots

Ancienne puissance coloniale, la Belgique tient une place privilégiée dans le domaine des arts premiers. Ce mois-ci, l’actualité y est particulièrement riche, avec notamment la fabuleuse exposition « Mains de Maîtres » à l’Espace Culturel BBL, dont le marchand Bernard de Grunne a été la cheville ouvrière (L’Œil n°526). Aujourd’hui se profile Bruneaf, manifestation qui rassemble 35 galeries belges spécialisées et plus de 20 venant de France, d’Angleterre, d’Italie, des Etats-Unis, des Pays Bas... selon un concept astucieux : pas de lieu d’exposition unique, chacun reste chez soi et réserve une place aux étrangers. Si cela ne suffit pas, on squatte les antiquaires qui poussent gentiment leurs meubles XVIIIe pour laisser place aux objets africains. Bref, des frais réduits et un intérêt économique évident.
Si le marché est si vivant chez nos voisins, c’est grâce à quelques marchands dynamiques et passionnés qui sont entrés en art premier comme en religion. Créateur de Bruneaf, il y a 11 ans, Pierre Loos est l’un d’eux. Son parcours est comme celui de beaucoup, atypique. Il commence
sa médecine comme papa mais ne la finira pas. Un jour, pour aider une camarade de fac en difficulté, il loue 1m2 aux Puces et vend les bijoux berbères de la jeune fille. Il récolte pour elle de quoi vivre pendant un an. Du coup, il oblique vers le commerce, prend une patente aux Puces, parcourt le Maghreb, l’Inde, la Thaïlande, le Laos... et vend des joyaux exotiques. Le succès est tel qu’il ouvre une galerie aux Sablons. En 1980, sa rencontre avec un résident belge au Zaïre marque un tournant. Il se rend à Kinshasa et découvre sa vocation, l’Afrique. A l’inverse, Bernard de Grunne a avalé la potion magique quand il était petit. Tout jeune, il accompagne son père, grand collectionneur d’art tribal, chez les marchands des Sablons puis dans les galeries parisiennes. « J’ai vite été frappé par la beauté esthétique de ces objets. Quant à les étudier, pas question : à l’Université de Louvain, ce n’était pas prévu ! » Il part aux Etats-Unis et étudie la finance, tout en faisant une thèse sur l’art du Mali à Yale. Embauché par une grande banque, il y est depuis trois mois lorsque Sotheby’s lui propose la direction de son département d’art tribal à New York. Il saute sur l’occasion. En 1987, il monte en grade et se retrouve à Londres, responsable international de la spécialité. De retour en Belgique en 1996, il ouvre sa galerie. Cette année, il s’est installé sur la place du Petit Sablon.
Le Français Philippe Guimiot a rallié la Belgique en 1972. « Paris et New York étaient alors trop chers pour moi », dit-il. Ce Provençal est très vite fasciné par l’Afrique. Il fait son droit, devient avocat et cherche toujours sa voie lorsqu’on lui propose de partir au Gabon pour le compte d’une compagnie minière. « Je me suis retrouvé des millénaires en arrière, dit-il, découvrant une civilisation ancienne et raffinée ». Très vite, il donne sa démission, passe de village en village et tombe sur d’admirables chefs-d’œuvre. « Un choc absolu », dit-il. Au début des années 60, ces pièces étaient à l’abandon. Il en rapporte quelques-unes, contacte des marchands et les vend. En 1966, il gagne le Cameroun et ouvre boutique à Douala. Vendre de l’artisanat lui permet de poursuivre sa quête de grands objets. Aujourd’hui, plusieurs de ses découvertes sont dans les musées.

- BRUXELLES, Bruneaf, tél. 00 32 2 514 02 09, 12-17 juin.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°527 du 1 juin 2001, avec le titre suivant : Bruxelles, capitale de l’art primitif

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