Billet d'humeur

Bienvenue en France, messieurs les étrangers

Le Journal des Arts

Le 31 août 2001 - 454 mots

Si la compétence et la qualité de l’expertise des grandes maisons de vente étrangères ne peuvent, semble-t-il, être remises en cause aujourd’hui, il en va autrement des garanties données à l’acheteur par les auctioneers.

La France a modifié, le 7 juillet 2000, la sacro-sainte garantie donnée à tout acheteur en vente publique et qui passe de trente à dix années. Avant ces changements, un amateur découvrant, vingt-cinq années après son acquisition en vente publique, que l’œuvre n’est plus considérée comme étant de tel ou tel maître, pouvait être remboursé. Dans les faits, il lui fallait cependant beaucoup d’énergie et de patience pour attaquer le commissaire-priseur qui, lui, se retournait contre son expert, ce dernier étant théoriquement couvert par son assurance. La procédure n’étant jamais très rapide, il fallait plusieurs années avant toute possibilité de remboursement. Un nouveau jugement, intervenu dans la fameuse affaire Poussin-Pardo, vient conforter « la douceur de vendre en France ».

Considérée comme étant une simple œuvre d’atelier par les spécialistes, la toile, estimée quelques dizaines de milliers de francs, fut acquise, il y a une douzaine d’années, 1,5 million de francs par les deux frères Pardo. Après dix années de procédure, l’œuvre devrait retourner à son ancien propriétaire pour « erreur sur la substance » ! Un comble quand on sait que ni le commissaire-priseur, ni l’expert, ni son assurance n’ont été mis en cause. « Responsable mais pas coupable » ? Les musées et les collectionneurs du monde entier peuvent désormais trembler, la boîte de Pandore est ouverte et l’évolution des connaissances bafouée. Les grandes maisons de vente Sotheby’s, Christie’s ou Phillips ont adopté une politique diamétralement opposée, décrite dans leurs désarmantes conditions de vente : rien n’est garanti ! Les œuvres présentées sont vendues comme si elles étaient de tel ou tel artiste, et seuls les faux intentionnels sont remboursés. L’œuvre n’est pas de Rembrandt mais d’un élève ? Vous n’aviez qu’à mieux vous renseigner ! Les experts de ces maisons de vente, s’ils respectent les lois et les pesanteurs administratives françaises (droit de suite, droit de reproduction…), devront donc garantir toutes les pièces vendues pendant dix années. Ceux-ci ne toucheront pas, comme les experts français, les 3 % d’honoraires sur chaque lot vendu, et risqueront, en outre, d’être renvoyés si un trop grand nombre d’erreurs d’attribution se faisaient jour. Force, vigueur et œil infaillible seront donc les trois mamelles nourricières indispensables à la bonne installation et à la longévité de nos amis experts dans notre grand village gaulois, à moins qu’ils n’aient, une fois de plus, un régime de faveur. Une autre politique consisterait aussi à ne vendre que les commodes rustiques (non soumises au droit de suite) en France et les tableaux impressionnistes à New York…

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°131 du 31 août 2001, avec le titre suivant : Bienvenue en France, messieurs les étrangers

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