ART CONTEMPORAIN

Bernard Moninot, pilote de lignes

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 11 avril 2018 - 509 mots

De subtils phénomènes atmosphériques ont inspiré les nouvelles séries de dessins patiemment construites par l’artiste.
Paris. Comment dessiner le vent ? Comment figurer le déplacement des nuages ? Bernard Moninot (né en 1949) s’est posé dans l’atelier dont il dispose dans le Jura, à Château-Châlon, perché à 500 m d’altitude avec vue panoramique. Là, il a réalisé des dessins à main levée qui, minute par minute et ligne par ligne, écrivent le mouvement des cirrus et cumulus. Intitulée « À la poursuite des nuages » la série figure parmi les cinq, avec notamment « Lignes d’erre » et « Lumière fossile », présentées à la Galerie Catherine Putman.

Le vent souffle aussi à la Galerie Jean Fournier, où « Clinamen » et « Cadastre », deux des quatre séries ici montrées, sont dans la continuité directe de « La mémoire du vent », qui voyait des brindilles, surmontées de stylets, dessiner en fonction de leurs oscillations des sortes d’écriture sur les parois d’une boîte recouverte de noir de fumée. Mais ici c’est surtout Chambre d’écho qui constitue la pièce centrale de l’exposition. Bernard Moninot a mis cinq ans pour réaliser cet immense « dessin dans l’espace », selon son expression, soit un dispositif spatial d’une grande et belle complexité qui tente de « matérialiser le trajet de la mémoire longue ». Sous la forme d’un grand parallélépipède (3,10 x 1,36 x 1,90 m) en acier, verre, bois, carton et toile polyester, l’œuvre se déploie en quatre séquences, « Le lustre sonore », « Le rideau de patience », « Les objets de mémoire » et une phrase de René Char : « Les yeux seuls sont encore capables de pousser un cri. » L’ensemble (dont on peut également voir une maquette dans chacune des galeries) fait référence au principe de l’écho en montagne et tend à souligner que « le présent n’existe pas quand on dessine, que l’on est toujours dans la résurgence et la réminiscence de choses très anciennes », selon les mots de Moninot. Et on peut le croire, lui qui, depuis près de quarante ans, a fait de l’extension du domaine du dessin sa ligne de conduite et dont la quête est de dessiner les phénomènes (le vent, l’écho…) pour mieux les suspendre, les écouter et fixer leur caractère éphémère. L’écho se découvre ici sous une forme visuelle, d’une part avec l’image projetée et répercutée en miroir des mots de la phrase de Char ; d’autre part de façon fragmentée avec les différentes étapes du parcours de l’élaboration de cette grande installation sous la forme d’un « leporello ». À l’exemple de ce dernier, la collaboration entre les deux galeries permet de montrer non seulement la totalité du travail de l’artiste depuis deux ans mais également sa diversité, sans jamais perdre de vue les ricochets possibles du dessin.

De 1 800 euros pour une petite aquarelle, acrylique et encre de Chine sur papier (27,5 x 22 cm) à 60 000 euros pour Chambre d’écho, les prix n’ont rien d’excessif pour un artiste de son importance.

Bernard Moninot, Chambre d’écho,
jusqu’au 4 mai, Galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac, 75007 Paris
Bernard Moninot, Cadastre,
jusqu’au 4 mai, Galerie Catherine Putman, 40, rue Quincampoix, 75004 Paris.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : Bernard Moninot, pilote de lignes

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