Pour cette nouvelle édition à la galerie Christophe Gaillard, Éric Baudart transforme objets abandonnés et éléments industriels en sculptures conceptuelles.
Paris. L’installation est posée au sol dès l’entrée de la galerie. De loin, la structure ressemble à un bloc de ruine gréco-romaine posée sur une plaque de tôle en acier. De près, et comme l’indique logiquement son titre, Motor (voir ill.), il s’agit d’un moteur rouillé, un six cylindres en ligne, daté entre 1870 et 1940, qu’Éric Baudart a débusqué sur un talus d’une mine désaffectée près de Perth en Australie. D’environ 100 kg, pour 85 cm de long sur 40 de large, inutile de préciser qu’il n’a pas été simple à déplacer et à transporter jusqu’à Paris.
Au-delà de sa force et de ses magnifiques qualités plastiques, l’œuvre résume parfaitement la démarche de l’artiste (né en 1972) qui consiste à repérer partout où il se trouve les potentialités formelles et esthétiques d’objets les plus divers puis à les transposer et les mettre en scène dans des lieux d’exposition. Un autre exemple en est donné dans la plus grande salle de la galerie avec The Studio, composé de la structure en fer d’un fauteuil Butterfly recouvert d’une immense cotte de mailles qui vient déployer sur le sol ses plis, ses vagues, ses flux, ses reflets argentés. Juste à côté, ce sont des lames de cutter qui, posées les unes sur les autres et tenues par des fils, pendent le long du mur et alternent en de subtiles compositions les gris argent et les noirs de leurs tranches, en fonction de leur superposition en pile ou face. Un peu plus loin, ce sont encore des lames de cutter qui ont permis de découper des feuilles de papier millimétré que Baudart imprime et colle sur de la cartoline elle-même collée sur bois ou sur aluminium. Des lames qui permettent de découper le support selon les lignes, de le lacérer de façon aléatoire et donc d’enlever plus ou moins les images (publicités, portraits…), elles-mêmes imprimées en surimpression et devenues ainsi comme pixellisées.
L’ensemble est ainsi d’une grande variété formelle générée par la diversité des objets abandonnés que Baudart sélectionne. « Je ne pratique pas un art de la récupération, mais un art de la reconfiguration. Je ne redonne pas vie à des choses mortes, je leur fais changer de statut », tient-il à préciser. Ou encore : « Quand je récupère un objet, je ne le fais pas pour son histoire d’usage mais pour sa présence formelle, sa densité, sa temporalité propre. Je le fais rentrer dans un autre régime de réalité.» Sa démarche n’a en effet rien à voir avec un réemploi, un quelconque sauvetage écologique mais consiste en une reconfiguration de la matière dans l’espace, dans le temps, dans la pensée. L’objet devient alors avant tout une forme, un poids, une structure, une surface ou un volume, une donnée physique, un équilibre plutôt qu’un symbole de recyclage ou un souvenir.
Entre 8 000 euros pour un petit ventilateur et 35 000 pour l’important The Studio, les prix sont très corrects et correspondent au (et à son) marché. Et ce d’autant plus que certaines œuvres, à l’exemple de Motor (15 000 euros) ont nécessité des coûts de transports et d’installation très importants.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Baudart reconfigure les objets morts
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°664 du 31 octobre 2025, avec le titre suivant : Baudart reconfigure les objets morts






