Foire & Salon

ART BASEL

À Bâle, la représentation française en déclin

Par Nathalie Moureau · Le Journal des Arts

Le 14 juin 2022 - 863 mots

BÂLE / SUISSE

Le nombre de galeries franco-françaises présentes à Art Basel a baissé depuis 1985. Tandis que les enseignes étrangères installées à Paris représentent très peu d’artistes français.

Le stand de la galerie Art : Concept lors de l'édition 2017 d'Art Basel, avec des œuvres de Michel Blazy, Jean-Michel Sanejouand et Adam McEwen © Photo L.S
Le stand de la galerie Art : Concept lors de l'édition 2017 d'Art Basel, avec des œuvres de Michel Blazy, Jean-Michel Sanejouand et Adam McEwen.
© Photo L.S

Bâle. La présence des galeries françaises à Art Basel a peu évolué depuis quarante ans, si l’on en croit les données indiquées sur le site Web de la foire. Au nombre de 33 en 1985, elles sont passées à 36 cette année, une proportion stable au regard de l’ensemble des galeries présentes dans la foire sur la période. Mais, on le sait, les chiffres peuvent être trompeurs. Dans l’intervalle de temps, l’internationalisation des galeries est venue brouiller la notion de territorialité. Les galeries Marian Goodman, Campoli Presti, Karsten Greve, Gagosian ou Skarstedt, pour n’en citer que quelques-unes, qui ont leur maison mère à l’étranger, sont venues grossir le cheptel des galeries parisiennes. Lorsqu’on restreint le calcul aux seules structures dont la maison mère est située en France, on en dénombre une dizaine de moins aujourd’hui que dans le milieu des années 1980. Une seule galerie localisée en province parvient par ailleurs en 2022 à faire partie de la sélection de la foire, Pietro Sparta (Chagny, Saône-et-Loire), alors qu’elles étaient une dizaine à y accéder en 1985 (parmi lesquelles les galeries Paul Hervieu à Nice, Nelson à Villeurbanne, Jade à Colmar). Un phénomène de balancier est intervenu : à la baisse du nombre de galeries provinciales présentes à Bâle a répondu une augmentation du nombre d’enseignes internationales. Cette évolution reflète non seulement la situation des galeries dites « de promotion » qui peinent à exister en dehors de la capitale, mais également la montée en puissance des méga-galeries, qui, depuis les années 2000, multiplient leur présence à l’international et dont Gagosian est la figure emblématique avec une vingtaine d’antennes à ce jour et une présence sur trois continents.

On peut voir dans cette situation un paradoxe. Créées à l’initiative des galeries dans les années 1960, les foires devaient leur offrir un levier leur permettant d’élargir leur marché tout en limitant les risques liés à l’exploration de nouveaux territoires. Or, les galeries localisées en régions, soit celles qui avaient le plus à gagner de l’existence des foires, ont disparu du paysage tandis que les méga-galeries, qui bénéficient déjà d’une présence à l’international, y multiplient les participations.

La scène française dans les méga-galeries étrangères

Le maintien de la proportion de galeries françaises au sein d’Art Basel a d’importantes répercussions pour les artistes de la scène française. Si les méga-galeries s’implantent à Paris, c’est bien plus pour des considérations commerciales, telles la proximité des grands collectionneurs français ou la nécessité de pallier les conséquences négatives du Brexit, que par intérêt pour notre scène artistique. Les artistes français brillent en effet par leur absence dans la palette des artistes représentés par les enseignes internationales. David Zwirner, qui a ouvert une antenne à Paris en 2019 dans un lieu mythique – l’ancienne galerie d’Yvon Lambert –, ne représente aucun artiste de la scène française. Il en va de même pour l’italienne Skarstedt installée avenue Matignon en 2021. Gagosian, qui dispose aujourd’hui de trois antennes dans la capitale, ne propose qu’une artiste vivante franco-italienne, Tatiana Trouvé.

Le bilan est plus positif pour les galeries installées de plus longue date à Paris. Thaddaeus Ropac compte dans son écurie trois artistes issus de la scène française, Patrick Neu, Jean-Marc Bustamante et Jules de Balincourt. Depuis le décès l’an dernier de Christian Boltanski, Marian Goodman ne représente plus que deux artistes vivants de la scène française, Annette Messager et Pierre Huyghe. Une présence plus que limitée lorsque l’on sait que ces deux galeries représentent au total respectivement plus de soixante artistes et une cinquantaine d’artistes.

Que l’on ne s’y méprenne pas, il ne s’agit pas ici d’une revendication nationaliste, mais de pointer combien l’intégration des méga-galeries au sein d’un pays dans lequel se situe leur maison mère ou une de leurs filiales est loin d’être neutre. Et il est parfois tentant pour les foires de jouer sur le flou de ces données lorsqu’elles doivent gérer la pénurie d’espaces et arbitrer entre les galeries qui candidatent.

Liste des 22 galeries françaises à Art Basel 2022
 GalleriesFeatureUnlimitedStatement
Air de Parisx   
Applicat-Prazanx   
Art : Conceptx   
Balice Hertlingx   
Ceysson & Bénétière xx 
Chantal Crouselx   
Crèvecœur   x
Frank Elbazx   
Christophe Gaillard xx 
gb agencyx   
Lahumièrex   
Lelong & Co.x x 
kamel mennourx x 
1900-2000x   
Edouard Montassut   x
Nathalie Obadiax x 
Perrotinx   
Almine Rechx x 
Pietro Spartàx   
Templonx   
G.-P. & N. Valloisx x 
Jocelyn Wolffx   
Art Basel et les galeries implantées en France 1980-2022
Art Basel et les galeries implantées en France 1980-2022.
© Le Journal des Arts

Nathalie Moureau est professeure de sciences économiques à l’université Paul-Valéry de Montpellier

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°591 du 10 juin 2022, avec le titre suivant : À Bâle, la représentation française en déclin

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