Au fil des rapports...

Par Jean-Marie Schmitt · Le Journal des Arts

Le 19 novembre 1999 - 952 mots

Les travaux parlementaires en vue de la réforme des ventes publiques sont l’occasion de récapituler les informations et les propositions présentées depuis dix ans. Le colloque du 2 novembre, à l’Assemblée nationale, en a permis une première synthèse et a montré l’intérêt des parlementaires pour un marché qu’ils découvrent au fil des rapports.

En décembre 1989, Jack Lang avait présenté au conseil des ministres une communication sur le marché de l’art. Dans la foulée était créé l’Observatoire des mouvements internationaux d’œuvres d’art, toujours présidé par André Chandernagor, auquel il était demandé quelque temps plus tard un rapport, rendu en 1992, sur les conditions de la modernisation du marché de l’art en France. Ce rapport, actualisé en avril 1998 à la demande de Catherine Trautmann, était le premier d’une série. En décembre 1994, Édouard Balladur demandait à Maurice Aicardi un nouvel examen de la situation. En mars 1995, la mise en demeure communautaire imposait l’ouverture du chantier de la réforme des ventes volontaires. Jacques Toubon lançait, en janvier 1996, le groupe de travail Léonnet non sur un rapport, mais sur la rédaction d’un avant-projet de loi qui devait conduire à un texte mort-né, puisque la dissolution intervenait peu après son adoption par le conseil des ministres, en avril 1997. Le Comité des galeries d’art publiait en 1997 un livre blanc (Les Galeries d’art en France aujourd’hui), à la suite d’un colloque sur l’avenir du marché de l’art organisé en 1996 avec le concours de la Délégation aux Arts plastiques. En 1998, le 16e rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité du patrimoine relançait le débat sur l’application de l’ISF aux œuvres d’art.

Élisabeth Guigou et Catherine Trautmann reprenaient en 1997 le dossier des ventes aux enchères. La question de l’indemnisation débouchait en février 1998 sur un nouveau rapport, sous la signature de MM. Cailleteau, Favard et Renard, dont les conclusions fondaient pour partie le nouveau texte de loi sur les ventes volontaires adopté par le Gouvernement en juillet 1998, par le Sénat en juin 1999, et en attente d’ordre du jour à l’Assemblée nationale. Le dépôt du projet au Sénat se traduisait par trois rapports, celui de la commission des Lois, saisie du texte par M. Dejoie, et deux rapports pour avis, de M. Goutheyron pour la commission des Affaires culturelles, et de M. Gaillard, pour la commission des Finances, ce dernier prenant le parti d’ouvrir l’enquête sur l’ensemble du marché par une très large consultation des milieux professionnels. Dans l’intervalle, Pierre Lellouche, qui s’était déjà manifesté par diverses questions parlementaires concernant le marché de l’art, a entrepris, dans le cadre de la Délégation pour l’Union européenne de l’Assemblée nationale, une approche globale voisine de celle faite par M. Yann Gaillard, synthétisée dans un projet de rapport d’information.

Le dernier rapport : celui de Raymond Douyère
La dimension européenne de la question, en particulier sur les questions de TVA et de droit de suite, renvoyait également aux rapports européens, notamment aux différentes versions de la proposition de Directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit de suite, ainsi qu’au rapport de la Commission européenne d’avril 1999 sur la compétitivité du marché de l’art communautaire, s’exprimant en particulier sur la TVA. Le dernier texte en date est une annexe au rapport de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, consacré au budget de la Culture et de la Communication, dans lequel le rapporteur spécial Raymond Douyère a consacré de très larges développements au marché de l’art (80 pages sur les 140 du texte) sous l’intitulé “Fiscalité et œuvres d’art : soutenir la création et protéger le patrimoine”, commenté lors du colloque à l’Assemblée par le député PS Jérôme Lambert. Devrait enfin venir l’analyse de Mme Nicole Feidt, qui doit rapporter à l’Assemblée nationale le projet de loi sur les ventes aux enchères. Pour leur part, les professionnels ont contribué aux conclusions par leurs auditions lors de la préparation des différents rapports, et, en ce qui concerne les négociants, par un “audit du marché de l’art en France” sous la signature de Christian Deydier, commandité par le Syndicat national des antiquaires et daté de septembre 1999.

Le rôle des collectionneurs
Globalement, ces rapports et le colloque du 2 novembre à l’Assemblée nationale montrent qu’il y a convergence d’intérêts pour un marché dont à peu près tout le monde découvre et reconnaît les spécificités. L’œuvre d’art n’est pas une marchandise banale, elle fixe des valeurs patrimoniales et marchandes dont la coexistence est malaisée ; elle est stratégique au-delà de ses seules dimensions économiques ; elle est mobile et sensible à l’environnement international et fiscal. L’opinion commune reconnaît également le rôle éminent des collectionneurs, avec la nécessité de leur délivrer des messages d’encouragement et non de suspicion. Enfin, commence à percer l’idée d’une solidarité européenne dépassant le traditionnel antagonisme Paris-Londres.

Tout le monde semble d’accord pour en finir rapidement avec la réforme des ventes publiques. Ainsi, la commission des Finances de l’Assemblée nationale conclut l’examen du rapport Douyère par l’adoption de quatre observations, dont l’une s’attache “à faire examiner par l’Assemblée nationale le projet de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, adopté en première lecture par le Sénat, le plus rapidement possible”.

Malgré cette pléthore de rapports, les difficultés subsistantes sont plutôt à mettre au compte d’une information encore insuffisante, qui entretient une certaine incertitude sur les intentions des professionnels, eux-mêmes embarrassés par des intérêts divergents qu’ils ont encore de la peine à surmonter pour pointer une stratégie d’interprofession.

Ce qui est globalement positif, c’est que les parlementaires de toutes tendances perçoivent la portée d’un marché qu’ils s’accordent à reconnaître comme partie intégrante de l’exception culturelle, que la France s’apprête à aller défendre au cours des négociations de l’OMC à Seattle.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°93 du 19 novembre 1999, avec le titre suivant : Au fil des rapports...

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