MARSEILLE
Entre galeries émergentes, propositions internationales et dynamiques locales, Marseille affirme sa vitalité avec les deux salons enfin partenaires.
Tonnerre et pluies diluviennes, la veille d’Art-o-Rama et de Paréidolie, Marseille ruisselait. Le lendemain, jour d’ouverture des deux manifestations, la ville resplendissait, ses rues lavées, sous un soleil pâle. Cette année, enfin, les deux salons hier rivaux, mutualisaient leurs efforts, logistique de navettes régulières pour aller de l’un à l’autre et carton d’invitation cosigné de chacune des entités pour un cocktail d’inauguration commun.
Lors de cette soirée avec vue sur la mer sur les remparts de la Citadelle, les sujets de conversation, en dehors de la météo frileuse, portaient sans surprise sur le climat d’incertitude qui met le marché de l’art quasiment à l’arrêt. « C’était déjà dur en 2024, mais là, on est à l’os », résumait un galeriste chevronné évoquant une crise sans précédent.
Pour autant, la 19e édition d’Art-o-Rama faisait bonne figure avec 41 galeries, dont une douzaine de nouvelles participantes. La dimension internationale de la foire reste d’actualité avec deux tiers d’exposants étrangers dans sa section principale, venus d’Europe, des États-Unis et même d’Asie. Pour sa première participation, Vacancy Gallery avait fait le voyage depuis Shanghai et présentait notamment les sculptures murales d’Anna Gonzalez Noguchi qui assemble avec minutie des objets du quotidien, comme des serviettes éponges.
L’univers domestique était également convoqué par la proposition de Season 4, Episode 6 (Londres) qui retenait l’attention par son minimalisme conceptuel : des tubes d’aspirateur érigés sur lesquels était reproduite le logo de la marque de boisson énergisante Red Bull (More Work For Mother). Quant à Paw (Karlsruhe), c’était sa première participation à une foire en dehors de l’Allemagne : un ensemble de peintures de Matt Muir se déployait sur un de ses murs à la manière d’une tautologie absurde (X-factor-X).
La promotion de l’émergence caractérise le salon marseillais, même si les valeurs sûres y ont leur place. Comme les photographies de la série Tea Coffe Cappuccino de Boris Mikhaïlov, documentant les changements survenus en Ukraine après l’effondrement du bloc soviétique, présentées par Suzanne Tarasiève, en dialogue avec les dessins et sculptures d’une artiste d’une autre génération, Carlota Sandoval Lizarralde, sur un stand commun avec la galerie Fahmy Malinovsky. Plusieurs galeries avaient en effet fait le choix de partager un stand, donc les coûts de location (ceux-ci n’excèdent cependant pas 3 000 ou 4 000 euros). D’autres s’étaient mises en frais : la galerie DS avait ainsi conçu une architecture métallique de panneau publicitaire façon bilboard américain pour montrer le travail de dessin d’Antoine Conde.
Tandis que le stand Art Dealers rendait hommage à l’initiative du galeriste Roger Pailhas (1949-2005) d’inviter en 1996 huit galeries dans son espace marseillais, les fidèles d’Art-o-Rama - In Situ-Fabienne Leclerc, Maubert, sans titre… - sont unanimes : le rendez-vous créé en 2007 occupe une place à part dans le calendrier ; il offre une transition douce entre la pause estivale et la rentrée, propice aux échanges avec des collectionneurs et des responsables d’institutions qui peuvent s’avérer, sinon lucratifs, du moins fructueux.
Les 17 galeristes réunis par Paréidolie, en majorité basés dans l’Hexagone ou à ses frontières, soulignaient également la qualité des échanges d’un salon où l’on prend le temps d’aller à la découverte. Par exemple, celle des lumineux « fragments dessinés » de Matt Frenot, un artiste formé d’abord à la photographie, exposé par Laurent Godin – à présent installé à Arles. Quelques petits formats de cette série (à 250 euros) avaient trouvé acquéreurs dès l’ouverture. Sur le stand de la galerie Binôme, on pouvait voir les compositions abstraites - encre, gouache et crayon de couleur - d’une autre artiste partagée entre la photo et le dessin, Corinne Mercadier.
Le plan de Paréidolie, contraint par l’espace, offre peu de variations d’une année sur l’autre – on retrouvait cette année Bernard Jordan à l’entrée – et les scénographies des stands restent sagement cantonnées aux cimaises. Revenant pour la troisième fois sur le salon, Françoise Besson (Lyon), mettait en avant les trames minimales et sensuelles de Barbara Carnevale, en dialogue avec les motifs floraux et les carnets découpés de Christine Crozat. On aurait aimé plonger dans l’univers vidéo de Jeremy Griffaud, diffusé sur un petit écran au mur de la galerie espace à vendre (Nice). Mais cette facette de son travail s’effaçait ici devant sa pratique, en partie préparatoire, de dessins à l’aquarelle.
Sur le stand de Hopstreet Gallery (Ixelles, Bruxelles), la sélection d’œuvres de Dominique de Beir – à laquelle le Musée Fabre, à Montpellier, a consacré une exposition l’hiver dernier - comportait plusieurs très belles pièces, certaines historiques, d’autres récentes : cartons ou polystyrènes perforés, poncés, enluminés de taches de couleurs… Les prix, à partir de 1 900 euros, pouvaient monter jusqu’à 8 000 euros. Au lendemain de l’ouverture, la galerie n’avait conclu aucune transaction. Quant à Alain Gutharc, prudent, la galerie avait opté pour la figuration avec un solo d’Edi Dubien.
Si le marché est au ralenti - et les visiteurs parisiens moins nombreux cette année le jour de l’ouverture - la quatrième édition de Systema, en off des deux salons, confirme pourtant la vitalité de la scène marseillaise. Ce festival d’arts visuels, de musique et de performances, a été cocréé par trois structures artistiques non commerciales indépendantes, qui invitent depuis 2021 des galeries étrangères à présenter des œuvres dans le cadre somptueusement décati du palais Carli, ancien institut des arts.
Avec ses loyers encore accessibles qui attirent les artistes du monde entier, ses rues entières de murs tagués, son cosmopolitisme, Marseille pourrait passer pour un nouveau Berlin. Le soleil en plus, pour mieux supporter l’absence de débouchés commerciaux ?;
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Art-o-Rama et Paréidolie unissent leurs forces pour la rentrée marseillaise
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