Foire

Art Brussels au ralenti

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 29 avril 2005 - 672 mots

Le salon bruxellois s’est bonifié, mais le succès commercial reste aléatoire.

 BRUXELLES - Peinture au trot. Cette ironique course de chevaux de Jacques Charlier à l’affiche de l’exposition « La Belgique visionnaire », au Palais des beaux-arts de Bruxelles (lire p. 18), est la parfaite antithèse de l’esprit d’Art Brussels. Pas de casaque fashion, de « leader gallery », de « leader museum », ni de leader tout court. Les spéculateurs en quête de poulains à forte valeur ajoutée pouvaient se rhabiller !
De même, dans le contexte sans prétention de la manifestation bruxelloise, la série provocante de photos « Art Fair Protest » d’Andrea Bowers, vendues 500 dollars pièce chez Mehdi Chouakri (Berlin), avait quelque chose de déplacé. Car il n’y avait pas matière à protester contre une pensée unique ou un trop-plein d’esbroufe sur cette foire jeune, sympathique et plutôt bien organisée. On ne pouvait pas non plus grimacer plus qu’ailleurs devant le niveau général, même s’il y avait à boire et manger. L’ambiance du hall 11 n’était pas sans rappeler celle, énergique, du hall 5 lors de la dernière édition de la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) de Paris. Des artistes d’Europe centrale, défendus par la Gandy Gallery (Bratislava), aux visions nordiques d’i8 (Reykjavik), en passant par le quota des « usual suspects », comme Pascale Marthine Tayou ou Jota Castro, le collectionneur moyen pouvait trouver chaussure à son pied sans se ruiner. Les plus perspicaces avaient remarqué un mur de dessins de Markus Raetz entre 5 500 et 7 000 euros chez Guy Bärtschi (Genève). On pouvait aussi lorgner sur une photo de la série « Method of Physical Transformation » de Nancy Wilson-Pajic (6 000 euros) chez Françoise Paviot (Paris). Une artiste qui, cinq ans avant Cindy Sherman, avait exploité les ficelles du grimage.
Malgré les flots de visiteurs, le commerce n’était toutefois pas trépidant, sauf pour les galeries locales, en terrain conquis. « Bien sans plus » revenait en leitmotiv. Une certaine barrière psychologique était perceptible à partir de 25 000 euros. « C’est plus lent qu’avant, mais il y a beaucoup d’options. Il faut attendre que les points verts deviennent rouges », remarquait Christine Ollier, codirectrice de la galerie Les filles du calvaire (Paris-Bruxelles). « Les Belges ont besoin d’être rassurés, être certains qu’on ne ferme pas dans six mois. Ils achètent soit le Top 50, soit les jeunes artistes chez les galeristes qu’ils connaissent », relevait de son côté Hervé Loevenbruck (Paris), après avoir cédé un Crash Test de Bruno Peinado (4 500 euros) à une collection locale.

Marché scindé
Principaux acheteurs sur la foire londonienne Frieze Art Fair, les Belges réservent sans doute aussi leurs munitions pour la Foire de Bâle en juin. Pierre Huber (Genève) avait ainsi bien travaillé, mais, tout comme sa consœur Nathalie Obadia (Paris), quasiment pas avec les collectionneurs belges. « J’ai fait le samedi mon chiffre avec trois collectionneurs que j’avais fait venir de Genève », confiait le Genevois. Les galeries classiques parquées dans le hall 12 étaient sans doute les moins chanceuses. Leurs stands souvent très mixtes, parfois chaotiques, n’étaient pas forcément très lisibles. Plus globalement, les enseignes modernes ouvertes sur le contemporain, mais dans sa version classique, sont celles qui pâtissent le plus d’un marché scindé entre le très beau moderne et le très branché. D’où le grand écart d’un Acquavella (New York) entre Braque et Marlene Dumas ou d’un C & M Arts (New York) entre Mark Rothko et Julian Schnabel.
D’autres galeries qui avaient multiplié les ventes n’avaient pas forcément amorti leur stand. Le bât blesse souvent pour ceux dont les artistes se négocient à petits prix. Une quadrature du cercle que Pierre Huber et l’organisateur de salons Lorenzo Rudolf veulent briser dans l’événement qu’ils concoctent pour 2006 ou 2007. « Il faut trouver des solutions pour l’ensemble des frais d’une foire, et pas seulement pour les prix des stands », indique le galeriste, tandis que Lorenzo Rudolf déclare vouloir « donner aux exposants une plate-forme où ils auront du pouvoir ». À suivre.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°214 du 29 avril 2005, avec le titre suivant : Art Brussels au ralenti

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