Antiquaires contre salon

À Lille, les professionnels s’opposent sur la loi Raffarin

Le Journal des Arts

Le 19 décembre 1997 - 568 mots

La Chambre syndicale régionale d’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie (HBJO), avec une vingtaine d’antiquaires lillois, a tenté de faire interdire la première édition du salon Europe Antiquaires, qui s’est néanmoins tenu du 28 novembre au 1er décembre. Elle s’appuyait sur la loi du 5 juillet 1996, relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat.

LILLE - Des quatre-vingts professionnels attendus, Europe Antiquaires n’en aura finalement accueilli qu’une cinquantaine, dont quatre marchands étrangers, et n’aura reçu que cinq mille visiteurs. Pourtant, selon Marie-Alice Peron, organisatrice de la manifestation, "Lille présentait l’avantage d’être un carrefour entre la France, la Belgique, le Luxembourg et la Grande-Bretagne". Une des raisons qui ont poussé cette an­cienne antiquaire à organiser ce qu’elle souhaitait être un grand rendez-vous européen.

Mais pour transformer en succès ce bilan en demi-teintes, il aura manqué le soutien des professionnels locaux. Une vingtaine d’entre eux, avec la Chambre syndicale régionale d’horlogerie, bijouterie, joaillerie et orfèvrerie, ont assigné les organisateurs d’Europe Antiquaires devant le tribunal de grande instance de Lille, "pour concurrence déloyale". "Les organisateurs de salons tuent la profession d’antiquaire en permettant l’exposition de copies et de faux", déclare Monsieur Courmont, président de HBJO et bijoutier lillois.

Autorisation préfectorale
"Plus que par la procédure, engagée au dernier moment pour ne pas laisser le temps aux organisateurs de se retourner", Dorothée Da Silva, présidente déléguée de Lille Grand Palais, déclare avoir été "ennuyée par la décision rendue par le juge de première instance". Le magistrat s’est en effet fondé sur la loi du 5 juillet 1996 pour interdire la manifestation. La loi Raffarin, du nom de l’ancien ministre, impose la délivrance d’une autorisation préfectorale avant la tenue de tout salon. Le président Courmont précise que "depuis une note ministérielle de janvier 1997, chaque préfet doit appliquer strictement le texte qu’un décret de décembre 1996 est venu compléter".

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi 96-603, deux textes réglementaient les foires et salons. D’une part, une ordonnance du 11 septembre 1945, modifiée par un texte de 1969, concernait les foires dans lesquelles sont présentés des échantillons de produits dans le but d’en faire connaître les qualités et d’en obtenir commande ; d’autre part, un texte de 1906 organisait les ventes au déballage de marchandises neuves. Les ventes d’antiquités n’étaient donc soumises à aucune réglementation particulière. Or la législation de 1996, dans son article 27, ne distingue plus les marchandises neuves de celles d’occasion : “Sont considérées comme ventes au déballage les ventes de marchandises effectuées dans des locaux ou sur des emplacements non destinés à la vente au public de ces marchandises, ainsi qu’à partir de véhicules spécialement aménagés à cet effet”.

Contraignant
L’article 27 prévoit également que "les ventes au déballage ne peuvent excéder deux mois par année civile dans un même local ou sur un même emplacement et doivent faire l’objet d’une autorisation préalable". Le formalisme encadrant la demande d’autorisation, qui doit être déposée entre cinq et trois mois avant le début de la manifestation, est toutefois contraignant, les organisateurs devant en outre relancer les services préfectoraux pour avoir une chance d’obtenir le feu vert. C’est d’ailleurs cette autorisation préfectorale "délivrée hors délai", selon le président Courmont, qui est à l’origine du recours déposé devant le tribunal administratif. Mais le préfet ayant donné son accord, le juge du tribunal de Grande instance de Lille n’a pu qu’annuler l’ordonnance interdisant le salon et Europe Antiquaires ouvrir finalement ses portes.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°50 du 19 décembre 1997, avec le titre suivant : Antiquaires contre salon

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