Bruxelles

Ambiance sympathique mais commerce inégal

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 24 juin 2005 - 691 mots

Les quatre manifestations organisées dans la capitale belge du 8 au 12 juin ont souffert de l’emprise des ventes publiques parisiennes d’art premier.

 BRUXELLES - De Brussels non European Art Fair (Bruneaf) à Brussels Ancient Art Fair (BAAF) en passant par Brussels Oriental Art Fair (BOAFair), les « 3B » ont joué début juin une partition conviviale tout en affichant un arsenal de qualité. Même si certains marchands ont fait preuve de nonchalance, Bruneaf a indéniablement repris du poil de la bête. L’exposition stupéfiante de masques lega organisée par Marc Felix (Bruxelles) valait à elle seule le déplacement. On s’inclinait aussi devant une sculpture du Nias (650 000 euros) présentée par François Rabier (Bruxelles). Sur BAAF, qui songe à exporter sa formule à Hongkong, les galeries n’avaient pas plus lésiné sur l’artillerie lourde. Malgré une implantation excentrée par rapport à la place du Sablon, BOAFair gardait aussi la tête haute avec une offre homogène. Le choix général de l’excellence s’avère pragmatique. « De plus en plus, on a dix grosses factures dans l’année et, entre celles-ci, pas grand-chose », confiait le marchand d’art d’Extrême-Orient Antoine Barrère (Paris).
Quatrième roue du carrosse, le salon Antiquaires des grandes civilisations d’Art Home avait poussé le registre du small is beautiful à l’extrême, avec seulement huit exposants, certes de haut niveau mais loin de la quinzaine pressentie ! Grand comme un mouchoir de poche griffé Hermès, le salon est-il voué à se poursuivre ? La fréquentation restreinte des premiers jours ne plaide pas en sa faveur. « Il n’y a pas d’effet “touriste” comme sur les autres salons. On y voit des gens vraiment intéressés et sérieux », défend Antoine Barrère, en négociation poussée pour une stèle indienne (300 000 euros) et une statue de Vishnu khmère (250 000 euros). Il n’est pourtant pas sûr que les exposants, même les plus satisfaits comme Ariadne (New York), lequel a vendu une tête romaine pour 575 000 euros, soient prêts à miser encore 600 euros HT le m2 pour rester en circuit fermé. Art Home devra sans doute méditer sur les couacs du salon Antiquaires du XXe siècle, organisé en mars, et ne plus compter sur un seul marchand relais, que ce soit l’antiquaire Yves Gastou (Paris) ou le spécialiste en art précolombien Santo Micali (Paris), pour faire le plein des troupes.
Dans ce parcours de marathonien, l’œil même le plus musclé peinait à digérer une offre aussi roborative. « Le trop plein n’est pas toujours porteur. Less is more and more is less », remarquait un galeriste. « La pluridisciplinarité a été efficace, indiquait de son côté Jerome M. Eisenberg, directeur de la galerie Royal Athena (New York). J’ai vu des collectionneurs d’art africain intéressés par des pièces d’Anatolie ou des Cyclades. » Spécialiste en art africain, Maine Durieu (Paris) regrettait néanmoins que les collectionneurs d’archéologie, pourtant à même d’apprécier ses bronzes gan stylisés, n’aient pas franchi sa porte. Malgré quelques ventes, le démarrage général fut laborieux et les premières transactions furent conclues surtout entre marchands. L’ambiance fut nettement plus active le week-end, avec l’arrivée de clients allemands et néerlandais. Les professionnels comptaient aussi sur les derniers jours pour attirer les Français, captés par les quelque 2 000 lots inégaux proposés en début de semaine par les ventes parisiennes d’art primitif. La plupart des marchands confiaient d’ailleurs leur irritation face à l’emprise des salles de ventes et leur perplexité devant certains résultats. « L’appui-tête luba qui a fait 1,3 million d’euros chez Sotheby’s vaudrait 300 000 euros chez un marchand. Un porteur de coupe songye un peu pataud a obtenu 280 000 euros, alors qu’il vaut 40 000 euros en galerie par jour de grand vent », égrenait le marchand d’art primitif Renaud Vanuxem (Paris). Il est toutefois urgent pour les « 3B » de trouver un modus vivendi avec les salles de ventes, voire de décaler leur vernissage au samedi. « Mais on ne peut pas déplacer nos dates d’une semaine car les gens qui vont à Paris pour les ventes ne resteraient pas pour venir nous voir », indique Patrick Mestdagh (Bruxelles), président de Bruneaf. Difficile de sortir de la quadrature du cercle !

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°218 du 24 juin 2005, avec le titre suivant : Ambiance sympathique mais commerce inégal

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