80 libraires à la Fila

Une foire conviviale et des collectionneurs internationaux actifs

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 11 juin 1999 - 643 mots

La France, terre de bibliophilie, a depuis onze ans sa Foire internationale du livre ancien (Fila), qui attire chaque année environ six mille visiteurs. Professionnels, amateurs et curieux ont pu découvrir, du 27 au 30 mai, quelque 20 000 ouvrages présentés à la Maison de la Mutualité par quatre-vingts libraires – 57 français et 23 étrangers – qui ont réalisé de bonnes transactions.

PARIS - C’est la grande fête annuelle des libraires et des bibliophiles, une manifestation privilégiant la convivialité. “Tous les libraires s’efforcent de sélectionner les livres, manuscrits ou autographes les plus sympathiques, pas forcément les plus chers. Ce n’est pas une foire élitiste. C’est un rendez-vous incontournable au même titre que la Fiac”, explique Jean-Étienne Huret (Le Tour du Monde et librairie Nicaise). On y trouvait des autographes, tel ce petit texte de Jean Cocteau chez L’Autographe S.A., de Genève, qui évoque Paris en des termes peu élogieux : “C’est la ville la plus prétentieuse du monde”, mais dont il salue néanmoins, “la lueur vive, insolente, ininterrompue”, et suggère la fièvre, l’injustice, l’esprit de contradiction et de création : “Toute cette électricité, tous ces merveilleux déséquilibres... toute cette anarchie apparente lancent de grands éclairs mauves qui attirent... les regards de l’univers.” Y figuraient aussi des livres enluminés – un livre d’heures à l’usage de Paris du XVe siècle, en latin et en français (Les Enluminures) – et des ouvrages anciens, parmi lesquels un exemplaire de dédicace relié aux armes de la capitale, Hôtel de Ville de Paris, de Caillat & Le Roux de Lincy (librairie Rodolphe Chamonal), première et seule édition d’une monumentale monographie sur l’ancien Hôtel de ville de Paris qui fut détruit sous la Commune.

Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau
La Fila attire une clientèle européenne (principalement des Italiens, Allemands et Belges) et américaine. “La proximité de l’Antiquarian Book Fair, organisée à Londres du 3 au 5 juin, a fait venir de nombreux collectionneurs étrangers”, souligne Jean-Étienne Huret, qui a effectué 70 % de ses ventes le soir du vernissage. Les transactions ont été nombreuses, qu’elles aient été réalisées entre marchands, très actifs lors de la foire, ou avec des collectionneurs. Ainsi, Patrick Sourget a vendu un manuscrit enluminé d’un maître français du XVe siècle (750 000 francs), une édition originale des Fables de La Fontaine (250 000 francs), et une édition des Confessions de Jean-Jacques Rousseau dans une reliure d’époque (20 000 francs). Dominique Courvoisier a cédé un incunable du pape Grégoire IX, Decretales cum sumariis suis et textuum divisionibus ac etiam rubricarum continuationibus, un des deux exemplaires connus de cette édition lyonnaise provenant de la bibliothèque du baron Bethmann (90 000 francs), et un recueil de cinquante photographies originales de reliures de Marius Michel (20 000 francs). Michel Dreyfus, pour la librairie Valette, a vendu des épreuves corrigées d’une des œuvres majeures de Verlaine, Parallèlement, comprenant d’importantes corrections typographiques et plusieurs mots autographes du poète (85 000 francs), ainsi qu’un précieux incunable du XVe siècle, Hortus sanitatis – le Jardin de santé –, une des toutes premières encyclopédies d’histoire naturelle s’inspirant des travaux d’Avicenne, Hippocrate, Pline et Aristote (420 000 francs). La partie consacrée aux plantes dérive de l’Herbier de Scheffer (1485) à laquelle s’ajoutent ici celles consacrées aux quadrupèdes, reptiles, poissons et autres oiseaux. “J’ai vendu Hortus sanitatis à un collectionneur américain que je ne connaissais pas”, indique Michel Dreyfus, visiblement surpris.

Jean-Claude Vrain, qui a conclu plus de la moitié de ses ventes avec des clients étrangers, s’est séparé d’une lettre autographe de Gustav Klimt (50 000 francs), et d’un manuscrit autographe de tout premier jet joint à une maquette originale des Charmes de Londres de Jacques Prévert (1952), illustré de photographies originales d’Izis-Bidermanas. Cet ensemble était vendu avec l’édition originale des Charmes de Londres (exemplaire numéroté I/XXX), issue d’un tirage limité à 10 300 exemplaires édité par La Guilde du Livre (450 000 francs).

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°85 du 11 juin 1999, avec le titre suivant : 80 libraires à la Fila

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