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5 km2 en photo

Portrait de la campagne de Jean-Luc Moulène à la galerie Crousel

Le Journal des Arts

Le 23 mai 2012 - 485 mots

PARIS - Des jardins avec des choux dedans, des sous-bois ridés de lumière, une rivière entre chien et loup, le soleil qui traverse des feuillages et qui s’écrase sur un tapis de terre, l’humus, les humeurs d’une nature, une faux exilée sur un palier, une échelle blanche oubliée dans l’hiver, un arbre qui sculpte la brume.

Ce sont quelques images de Fénautrigues, un lieu-dit du Lot, un tout petit morceau de pays, 5 km² que Jean-Luc Moulène a traversé pendant son enfance. Entre 1991 et 2006, l’artiste a enregistré ses couleurs, les saisons, ses chemins et a construit un corpus de plus de sept mille photographies. Cinq cents ont été rassemblées dans un livre publié en 2010, fruit d’une commande publique du ministère de la Culture et de la Communication. Et dix-sept sont aujourd’hui montrées à la galerie Chantal Crousel. Cette collection d’images, archivage et collage esthétique d’une errance, compose le portrait d’une campagne où il ne reste de l’homme, que ses outils, ses empreintes, ses potagers. Seule, la photographie d’un boucher pris dans la danse d’un cochon écorché, habite de chair et d’os, le sujet Fénautrigues. Si Rembrandt et son bœuf se réveillent, l’histoire de la commune se raconte à travers le corps des paysages, ses performances, l’expérience d’une lente promenade et cette présence effacée de la figure humaine. Alors que le monde est à pleine vitesse, le prélèvement sensible de Moulène offre une décélération bénéfique et une action engagée à l’égard des campagnes en déshérence. En épuisant un bout de territoire par coupes successives, il a pénétré son rythme, ses signes, exploré son langage et retourné 5 km² en un long poème d’images, fait de césures et d’enjambements, de refrains, d’accents et de pauses.

Dans les collections internationales
De Fénautrigues à New York, le chemin est long. Jusqu’en décembre, l’artiste français présente à la Dia Art Foundation son exposition « Opus   One ». Difficile à circonscrire, résistante aux effets, aux modes, à la signature et aux médiums uniques, son œuvre embrasse le marché international qui préfère pourtant souvent les formes logos, directement identifiables à leur auteur. « La scène internationale le reconnaît et le respecte, explique sa galeriste qui a vendu à Frieze New York deux photographies de Moulène. Ses œuvres qui ont une cote en progrès modéré et constant sont dans de nombreuses collections aux États-Unis. La série Le Monde Le Louvre a été achetée par une importante fondation au Koweit, et beaucoup d’œuvres de la série des Filles d’Amsterdam, dont cinq sont actuellement visibles à la Triennale au Palais de Tokyo, ont trouvé leur place dans des collections hors de France. » En 2013, le Musée d’Oxford et le Beirut Art Center consacreront à Jean-Luc Moulène, des expositions personnelles. En attendant, il prouve qu’avec un sujet de 5 km² et un usage pertinent de la photographie, on peut raconter beaucoup de choses.

Fénautrigues

- Photographies : 9 000 à 16 000 euros

- 1 sculpture : 60 000 euros

- Nombre d’œuvres : 18

Jean-Luc Moulène, Fénautrigues, jusqu’au 16 juin, galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot 75003 Paris, tél : 01 42 77 38 87, www.crousel.com, du mardi au samedi de 11h-13h et 14h-19h

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°370 du 25 mai 2012, avec le titre suivant : 5 km2 en photo

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