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ART CONTEMPORAIN

1963, une année charnière pour Domenico Gnoli

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 16 octobre 2025 - 494 mots

La galerie Claude Bernard présente des œuvres réalisées cette année-là par l’artiste décédé en 1970.

Paris. Domenico Gnoli (né en 1933, à Rome) est mort prématurément d’un cancer, en 1970, à l’âge de 36 ans, à New York. Il a donc laissé une œuvre peu étendue, conçue surtout à partir de 1964, caractérisée par une hallucinante minutie. Cette année-là, après avoir passé quelques mois à Majorque (Espagne) pendant lesquels il réfléchit aux rapports entre figuration et abstraction, il expose à la Documenta III de Cassel et commence à peindre, jusqu’à son décès, des séries de tableaux qui prennent pour thèmes des chevelures, des robes, des boutonnières, des cols de chemises, des vues de lit, des fauteuils… Comme un inventaire du quotidien, de l’ordinaire. En les cadrant en très gros plan, hors de tout contexte, et en grand format, Gnoli transforme, transfigure les objets-sujets réalistes, voire hyperréalistes, en compositions abstraites et intrigantes qui lui vaudront sa renommée.

Un ensemble très rare

La sélection d’œuvres réunies à la galerie Claude Bernard concerne la période précédente, peu connue. L’exposition éveille d’autant plus la curiosité que, à notre connaissance, aucune n’avait eu lieu à Paris depuis la fin des années 1980 (en 1987, à la galerie Isy Brachot). C’est précisément cette année charnière, 1963, que la galerie a choisi de révéler, à travers un ensemble très rare – provenant d’une seule collection privée parisienne – composé de deux tableaux jamais exposés publiquement et de onze dessins qui, s’ils ont été montrés à l’époque à New York et à Londres, n’avaient encore pas été vus en France. Réalisés à Paris, où Gnoli vivait alors, les deux tableaux sont peints sur des panneaux de bois à la tempera mélangée à du sable. Ils évoquent, pour l’un des Joueurs de cartes [voir ill.], pour l’autre un Homme avec son chien, dans une ambiance étrange, assez « balthusienne », au temps suspendu et aux tonalités pompéiennes, ocres jaunes et orangés.

Très variés, riches et complexes, les dessins illustrent un conte pour enfants qu’il a lui-même écrit, Orestes or the Art of Smiling (« Oreste ou l’art du sourire »), publié en 1961 à New York. La même année à New York, ils feront l’objet d’une exposition à la Bianchini Gallery, puis seront présentés par la galerie Hazlitt, en 1962 à Londres, avant Milan. Ils ont été depuis republiés à l’automne 2024, dans un format plus petit et en italien par l’éditeur Il Saggiatore.

Entre 8 500 et 45 000 euros pour ces dessins, 650 000 pour l’un des tableaux et 1,5 million d’euros pour l’autre, les prix sont en rapport avec les quelques millions d’euros (avec un record à 9 millions lors d’une vente publique) atteints par des toiles hyperréalistes. Des montants qui s’expliquent par le fait que Gnoli, malgré sa courte carrière, a beaucoup été exposé de son vivant, mais aussi après sa mort, ce qui a permis l’inclusion de ses toiles dans d’importantes collections privées et publiques, entre autres au MoMA de New York.

Domenico Gnoli,
jusqu’au 15 novembre, galerie Claude Bernard, 7-9, rue des Beaux-Arts, 75006 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°663 du 17 octobre 2025, avec le titre suivant : 1963, une année charnière pour Domenico Gnoli

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