Scène émergente

Double coup de projecteur

Exposition et remise de prix sont au programme de la Fondation Ricard

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2009 - 656 mots

PARIS - En onze ans d’existence, l’exposition du prix de la Fondation d’entreprise Ricard, consacré à la scène française émergente et présenté à l’automne, à Paris, afin de coller au calendrier de la FIAC (Foire internationale d’art contemporain), est devenu de ces rendez-vous rituels ayant acquis une respectabilité enviable, et une visibilité qui ne l’est pas moins.

La preuve en est faite cette année encore avec une double mise en lumière : à côté du prix lui-même, le Centre Pompidou, à Paris, consacre en effet un accrochage aux dix artistes ayant été honorés lors des éditions précédentes (1999-2008), en exposant l’œuvre de chacun d’entre eux offerte par la fondation à l’institution. « Les archipels réinventés » propose un parcours conçu sur une idée d’exploration et de défrichage de territoires spatiaux, physiques, corporels ou mentaux. L’idée d’une progression territoriale se fait notamment sentir en cheminant de la maquette d’une tour d’habitations par Didier Marcel (Sans titre, 1999) au 7e continent (2007) de Christophe Berdaguer et Marie Péjus, en passant par le Polder 2001 (2001) de Tatiana Trouvé ou un triptyque photographique de Mircea Cantor (Short Cuts, 2004). Raphaël Zarka, Natacha Lesueur, Loris Gréaud, Vincent Lamouroux, Boris Achour et Matthieu Laurette font également partie de la promenade.

Rébellion
Dans les locaux de la fondation, c’est cette année le critique d’art Judicaël Lavrador qui livre ses choix, avec une mise en scène centrée sur une question pertinente, servie par un accrochage impeccable dont la sécheresse se fait l’atout en la rendant extrêmement lisible. Avec « L’image cabrée », le commissaire pointe les problématiques de lecture et de diffusion de l’image en les prenant à revers, insistant par là même sur les stratégies permettant à cette dernière, quelque part, de se rebeller. Tout en notant au passage que les artistes invités « bifurquent souvent vers un itinéraire bis ». L’une des formes de résistance et de rébellion les plus efficaces tient du brouillage qui, tout en entravant la lisibilité, laisse libre cours à l’expression d’autres sens. À ce jeu-là, Clément Rodzielski s’impose avec simplicité et efficacité grâce à des affiches qui ne sont rien d’autre que des agrandissements au format A0, tout droit sortis d’un photocopieur, de petites images sur lesquelles a été collé par endroits du papier miroir (Miroirs noirs, 2009).
Une autre forme de brouillage tient dans la considération des marges, ou plus précisément du revers de l’image. Comme avec Ida Tursic & Wilfried Mille, qui en peignant la reproduction en grand format d’une page de magazine laissent transparaître des fragments de son revers (90 Interview May 1998 Miroir III, 2008). Ou Mark Geffriaud qui insère des pages de livre dans une paroi de bois derrière laquelle des projections de diapositives viennent animer et bouleverser ces documents (Herbarium, 2009).
Boucles temporelles, plis et replis animent des itinéraires tortueux et rendent l’image de plus en plus impalpable. Ainsi Étienne Chambaud expose-t-il des dessins d’enfance – des figures géométriques – devenus très distanciés (Géométrie I, II et III, 1983), alors que Jimmy Robert scanne en très haute définition une photo d’archive partiellement recouverte de scotch et qui se charge alors d’une étrange présence, presque trop réaliste (Untitled, 2005). Le propos général trouve ainsi un accomplissement dans une très claire affirmation de la matérialité de l’image, qui permet d’insister sur le fait que beaucoup de ces œuvres, à force de manipulation, procèdent d’un travail manuel et pas seulement d’une idée. Oscar Tuazon est là particulièrement pertinent, avec ses images froissées prises dans une masse de béton devenue tableau, après son insertion dans un cadre (Papercrete, 2008).

LES ARCHIPELS RÉINVENTÉS, jusqu’au 11 Janvier, Centre Pompidou, place Georges-Pompidou, 75001 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h. Catalogue, éd. du Centre Pompidou, 160 p., 100 ill., 19,90 euros.

L’IMAGE CABRÉE, jusqu’au 7 novembre, Fondation d’entreprise Ricard, 12, rue Boissy-d’Anglas, 75008 Paris, tél. 01 53 30 88 00, www.fondation-entreprise-ricard.com, tlj sauf dimanche et lundi 11h-19h. Catalogue, éd. Fondation Ricard, 104 p.

Les Archipels réinventés
Commissaire : Emma Lavigne, conservatrice au Centre Pompidou
Nombre d’artistes : 10
Nombre d’œuvres : 10

L’IMAGE CABRÉE
Commissaire : Judicaël Lavrador, critique d’art
Nombre d’artistes : 9
Nombre d’œuvres : 31

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°311 du 16 octobre 2009, avec le titre suivant : Double coup de projecteur

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