Les deux vies de Feininger

Le Journal des Arts

Le 25 septembre 1998 - 471 mots

En 130 toiles provenant de collections privées et publiques, la Neue Nationalgalerie de Berlin met en lumière les \"deux vies\" de Lyonel Feininger (1871-1956), partagé entre l’Amérique et l’Allemagne, entre romantisme et modernisme.

BERLIN (de notre correspondante) - Lyonel Feininger, qui se décrivait lui-même comme un expressionniste, est surtout connu pour ses marines et ses paysages urbains ou architecturaux, aux plans fragmentés reliés par des lignes droites, mais l’exposition présente également les travaux de caricaturiste réalisés dans sa jeunesse, et les œuvres de sa dernière période américaine.

Né à New York de parents allemands, le jeune Feininger éprouve le désir de connaître la terre de ses ancêtres ; aussi part-il, en 1887, à l’âge de seize ans, pour Hambourg puis Berlin. C’est à cette époque qu’il devient le caricaturiste politique le plus célèbre de la capitale. En 1907, désireux de se consacrer à la peinture, il se rend à Paris, où il rencontre Robert Delaunay et se rapproche du Cubisme. Lorsqu’il retourne à Berlin, son travail reste cependant très marqué par la caricature. Ses peintures de personnages grotesques, qu’il baptise “spectacles de mime”, donnent un aperçu des préoccupations sociales de son époque, dominées par la peur des grandes métropoles.

Feininger entre rapidement en contact avec Karl Schmidt-Rottluff et Erich Heckel, membres du groupe Die Brücke, alors à l’avant-garde du mouvement expressionniste. En 1913, son séjour en Thuringe marque un tournant dans sa peinture. En effet, à Gelmeroda, près de Weimar, il découvre l’église du village avec son clocher pointu qui allait devenir le leitmotiv de son art. Ces “clochers dressés dans des lieux abandonnés de Dieu” lui paraissent les créations les plus mystiques de l’humanité. Son idéal spirituel et sa recherche artistique, qui exigeaient d’“intérieurement reconstruire et cristalliser le visible”, le rapprochent du sublime romantique.

Son exposition personnelle en 1917 à la Sturm Gallery de Herwarth Walden, à Berlin, en fait un peintre célèbre du jour au lendemain. Et quand deux ans plus tard, Walter Gropius fonde le Bauhaus à Weimar, il est le premier professeur à y être nommé. Sa gravure sur bois d’une cathédrale pour la couverture du Manifeste du Bauhaus – une construction cristalline représentant la triade sacrée de l’architecture, de la sculpture et de la peinture – symbolise les aspirations utopiques du premier programme du Bauhaus. En 1937, après avoir été proclamé “dégénéré” par les nazis, qui retirent ses tableaux des collections publiques allemandes, Feininger fuit l’Allemagne et retourne s’installer à New York. Pendant les vingt dernières années de sa carrière, son style se fait plus abstrait et linéaire, culminant dans sa série Manhattan également exposée à la Neue Nationalgalerie.

LYONEL FEININGER : DE GELMERODA À MANHATTAN

Jusqu’au 11 octobre, Neue Nationalgalerie, Potsdamerstr. 50, Berlin, tél. 49 30 266 26 47, tlj sauf lundi 10h-18h, samedi et dimanche 11h-18h. Puis, 1er novembre-24 janvier 1999, Haus der Kunst, Munich.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°67 du 25 septembre 1998, avec le titre suivant : Les deux vies de Feininger

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque