Un marché en forte croissance

Depuis trois ans, le dessin profite de la reprise

Par Éric Tariant · Le Journal des Arts

Le 17 mars 2000 - 739 mots

Véritables Sherlock Holmes de l’art sur papier, les collectionneurs de dessins anciens aiment se livrer à de longues recherches pour retrouver l’attribution d’une œuvre. Les amateurs de feuilles modernes semblent, eux, plus sensibles à la signature et à la spontanéité du dessin. Le marché enregistre depuis trois ans de fortes enchères, sans avoir pour autant retrouvé les sommets atteints à la fin des années quatre-vingt.

Depuis trois ans, le marché du dessin, longtemps fragilisé par la crise des années quatre-vingt-dix, repart de plus belle. Quelques très fortes enchères ont été prononcées à New York et Paris : en janvier 1998, une feuille de Michel-Ange, le Christ et la Samaritaine, était adjugée 7,5 millions de dollars (45 millions de francs) à New York ; un Rembrandt, les Fortifications et le moulin à vent, s’est envolé à 3,7 millions de dollars (24,3 millions de francs) au mois de janvier , un record mondial pour le peintre. À Paris, en décembre, un pastel de Greuze, Tête d’étude pour la mère bien aimée, a décuplé son estimation à 3,1 millions de francs. Les dessins modernes atteignent également de très haut prix, comme le montrent les 5 millions de francs obtenus en octobre 1998 par Dora Maar aux cheveux défaits (1938), de Picasso, et, en décembre 1998, les 4,5 millions de francs réalisés par Famille tahitienne, un dessin-empreinte de Gauguin. Les prix n’ont pas pour autant retrouvé les sommets atteints à la fin des années quatre-vingt. En témoignent les moins-values enregistrées en janvier 1999, lors de la dispersion du fonds commun de placement constitué par Finacor, une filiale de la BNP spécialisée dans la gestion de collections d’art. Un Portrait d’homme par Chassériau, payé 1,9 million de francs en 1989, s’est vendu 57 000 dollars frais compris (333 000 francs).

Les collectionneurs de dessins modernes présentent des profils divers. Antoine Laurentin distingue ceux qui, comme Jan Krugier, ne recherchent que des œuvres exceptionnelles de ceux qui s’attachent à des époques ou des écoles particulières. “Le goût de la recherche, de l’investigation qui caractérise les collectionneurs de dessins anciens, qui aiment retrouver l’attribution d’un dessin non signé, est absent des préoccupations des amateurs d’œuvres modernes. Ces derniers sont plus sensibles au nom de l’artiste et au côté spontané du dessin moderne”, indique Bruno de Bayser.

Les plus fortes enchères vont aux œuvres de Picasso, Matisse, Braque, Léger, Degas et Rouault. En tête, le peintre de Guernica, dont les dessins se sont envolés lors de la vente de la collection Dora Maar organisée à Paris en octobre 1998 : outre Dora aux cheveux défaits, Dora Maar de profil, estimée 350-400 000 francs, a été adjugée 3,2 millions de francs, et Dora à la coiffe 1,7 million. Ces prix élevés concernent de très grandes feuilles au pedigree irréprochable, mais les collectionneurs disposant de budgets moins importants peuvent eux aussi trouver leur bonheur : on trouve des dessins d’Albert Marquet à partir de 25 000 francs, des Fernand Léger à partir de 100 000 francs, des Matisse à 200-300 000 francs, des petits Bonnard à partir de 15 000 francs. “Les prix des très bons dessins se sont accrus de 50 à 60 % en l’espace de trois ans, estime Antoine Laurentin. En revanche, les œuvres de qualité moyenne stagnent”. Certains noms demeurent sous-évalués ; c’est le cas de Raoul Dufy, Dunoyer de Ségonzac ou Maximilien Luce, dont les feuilles valent quelques milliers de francs. Une fois l’acquisition réalisée, des travaux de restauration s’imposent parfois pour restituer l’esthétique de l’œuvre, les dessins modernes étant souvent fragilisés par l’acidité des papiers. Pour éviter qu’ils ne jaunissent, mieux vaut ne pas les accrocher en pleine lumière et, de toute façon, les protéger des rayons du soleil. L’idéal est de les placer à contre-jour, face au nord, en particulier les aquarelles et les plumes, plus vulnérables.

Paris, capitale du dessin

Salon à taille humaine, temple des connaisseurs, le Salon du dessin accueille chaque année quelque 10 000 visiteurs ; parmi eux, des collectionneurs souvent érudits, des marchands et des conservateurs de musées en quête d’œuvres exceptionnelles. Pour cette neuvième édition, les Salons Hoche vous donnent rendez-vous du 29 mars au 2 avril. Vingt-cinq exposants, dont 13 français, 6 britanniques et 3 allemands, proposeront aux amateurs huit cents œuvres entre 20 000 et 500 000 francs. - Salon du Dessin, 29 mars-2 avril, Salons Hoche, 9 avenue Hoche, 75008 Paris, tél. 01 45 22 16 89, 12h-20h30, nocturne le 30 mars jusqu’à 23h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Un marché en forte croissance

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