Paul Schimmel : Génération 1990

Los Angeles revient sur cette décennie

Le Journal des Arts

Le 8 juin 2001 - 726 mots

Le Museum of Contemporary Art de Los Angeles présente, avec « Public offerings », une rétrospective de la création artistique des années 1990. Il ébauche les rapports que des artistes désormais largement reconnus ont entretenus avec leur époque.

LOS ANGELES (de notre correspondant) - Dans l’entrepôt annexe du Museum of Contemporary Art de Los Angeles (MoCA) – le Geffen Contemporary –, “Public offerings” regroupe Damien Hirst, Rachel Whiteread, Jason Rhoades, Takashi Murakami, Thomas Demand, Mathew Barney et Janine Antoni. L’exposition se propose de définir les caractéristiques de l’art du début des années 1990, réalisé par des artistes souvent tout juste diplômés ou encore en cours d’études. Nous avons rencontré Paul Schimmel, conservateur en chef du MoCA et commissaire de l’exposition.

“Public offerings” dépeint-elle une génération ou une époque ?
Les deux à la fois. Génération et époque sont définies selon un cadre très resserré. L’accent est mis sur les années 1991 à 1993. Que ce soit à Londres, Los Angeles, Berlin, New York ou Tokyo, tous les artistes que nous avons réunis au sein de l’exposition, se côtoyaient, avaient fréquenté les mêmes écoles, connaissaient réciproquement leurs œuvres.

Dans quelle mesure peut-on parler d’un changement de sensibilité dans les années 1980-1990 ?
La fin des années 1980 a connu une sorte d’euphorie due à une génération de peintres européens et américains héritiers de l’Expressionnisme abstrait. Entre 1987 et 1989, alors que tous sortaient des écoles d’art, l’essence même du marché a tout à coup disparu : la “néo-ex-génération” n’intéressait plus les nouveaux arrivants. Ils se tournaient plus volontiers vers l’art de la fin des années 1960 : minimalisme, process art, performance et art conceptuel. Ils retenaient des années 1980 le sens de l’indépendance, l’impression de pouvoir se donner les chances de monter une exposition et d’instaurer un dialogue critique. Ils pensaient se faire une place au sein du monde de l’art international à la seule force de leur volonté. Les écoles d’art ont notamment eu un impact considérable durant cette période.

Les musées ont-ils influencé la carrière de ces artistes ?
Étrangement, je ne pense pas que les musées aient joué un rôle décisif. En montant l’exposition, j’ai cherché des œuvres témoignant d’une maturité exceptionnelle qui permettraient de comprendre comment les artistes trouvent leur langage propre. Je ne connais aucune œuvre qui ait été conçue expressément pour un musée ; la plupart étaient destinées à des galeries marginales ou gérées par des artistes, financées par leurs parents ou grâce à l’argent qu’ils gagnaient par ailleurs.

En écrivant l’histoire d’un passé récent, le MoCA ne propose-t-il pas une approche conventionnelle ?
D’une certaine manière, il était plus facile d’aborder des artistes actifs il y a trente ans. Je pense que “Public offerings” réussit une prouesse en reconstituant la période qu’elle aborde. Les artistes se sont montrés très généreux. Je suis vraiment étonné d’avoir pu si facilement réunir en un lieu unique ces œuvres exceptionnelles.

L’exposition n’est-elle pas un prétexte pour assurer la position de Los Angeles sur la carte internationale de l’art contemporain ?
Je ne pense vraiment pas qu’il s’agisse juste d’assurer nos positions. Il est reconnu que Los Angeles et Londres ont eu une influence notable sur l’art du début des années 1990. Avant, dans ces deux villes, un artiste était d’abord reconnu au niveau régional, national, puis international. De ce point de vue, la génération du début des années 1990 est très différente, même en ce qui concerne Charles Ray et Mike Kelley. Pratiquement dès le début, le Pop de Tokyo a obtenu une plus grande reconnaissance à Londres, par exemple, ou aux États-Unis, qu’à Tokyo.

Les auteurs du catalogue insistent à plusieurs reprises sur le fait que les œuvres présentées dans “Public offerings” ont été moins théorisées que celles des autres générations contemporaines.
Je ne suis pas du tout d’accord. Le poids que les conservateurs et les critiques ont accordé à la théorisation des œuvres de la fin des années 1980 et des années 1990 a créé un climat que les jeunes artistes ont refusé. Si l’œuvre est remarquable, quelle que soit sa forme, alors elle est chargée de sens. En raison de la limpidité et de la simplicité de certaines de ces pièces, je pense que l’exposition est accessible à tous.

- Public offerings, jusqu’au 29 juillet, Museum of Contemporary Art, Geffen Contemporary, 152 North Central Avenue, Los Angeles, tlj sauf lundi 11h-17h, tél. 1 213 626 6222, www.moca.org

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°129 du 8 juin 2001, avec le titre suivant : Paul Schimmel : Génération 1990

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