Immobilier

Dernier combat pour Laënnec

Par Sophie Flouquet · Le Journal des Arts

Le 13 février 2008 - 614 mots

Alors que les travaux démarrent, une association bataille pour préserver l’accessibilité du site.

PARIS - Sur le contenu du programme, la messe est déjà dite. Le site de l’ancien hôpital Laënnec (Paris-7e), vendu en 2002 par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) à la Cogedim/Altarea, abritera un ensemble de bureaux et de logements. Sa vente – à un prix très avantageux (80,8 millions d’euros pour un site de 4 hectares) – avait été décidée par l’AP-HP, en même temps que celle des hôpitaux Broussais (Paris-14e) et Boucicaut (Paris-15e), pour financer la construction du centre hospitalier Georges-Pompidou (Paris-15e). La mobilisation avait alors forcé la Ville de Paris à intervenir pour obtenir la mixité du programme, dans un quartier où le prix du foncier s’envole. Une convention signée en 2005 y prévoit donc la construction, outre d’appartements de grand standing, d’une petite résidence étudiante, de quelques logements sociaux et d’un centre de gériatrie, le tout sous la houlette de l’agence Valode & Pistre. Les 20 000 mètres carrés de bureaux et commerces seront quant à eux hébergés dans la partie patrimoniale du site, inscrite sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques et réhabilitée sous la direction de Benjamin Mouton, architecte en chef des Monuments historiques. Celui-ci prévoit notamment de reconstruire à l’identique deux ailes – projet contestable –, afin de retrouver la cohérence du plan d’origine.
Mais un autre combat se poursuit, visant à préserver la valeur mémorielle et culturelle du site ainsi que son ouverture. « Nous ne souhaitons pas remettre en cause le projet immobilier, précise d’emblée Arlette Vidal-Naquet, membre du Comité Laënnec-Turgot. En revanche, nous refusons la ghettoïsation et la privatisation d’un site qui doit rester ouvert aux Parisiens. » La conservation d’un mur d’enceinte côté rue de Sèvres, dénué de qualité architecturale mais inscrit dans l’urgence en 2000 sur l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques, a notamment suscité des craintes justifiées quant à l’ouverture des lieux. Créé en 2006 par la réunion de trois associations, le comité plaide donc pour que les éléments patrimoniaux de l’ancien hospice des Incurables, fondé en 1632 par le cardinal de La Rochefoucauld, restent accessibles au public. Il souhaite notamment l’aménagement d’un cheminement qui permette de rejoindre depuis la rue de Sèvres le jardin potager, espace vert de 3 500 m² situé du côté de la rue de Babylone, dans le prolongement d’un jardin existant. « Nous demandons simplement un droit de passage », poursuit Arlette Vidal-Naquet. Le comité voudrait également que la chapelle du XVIIe siècle, qui abrite les sépultures de La Rochefoucauld mais aussi de la famille Turgot, soit restaurée et transformée en lieu de mémoire. Or, lors de la présentation de son projet en juin 2005, le promoteur s’est contenté de proposer aux familles d’y avoir accès... sur rendez-vous. L’enquête publique rendue en décembre 2005, préalable à la délivrance du permis de construire, n’a imposé aucune modification de son projet à la Cogedim. Après une médiation tentée sans succès auprès du promoteur, le comité a donc lancé une pétition, qui a déjà recueilli près de 5 000 signatures, parmi lesquelles celles de Robert Badinter ou encore de Jean Lacouture. Et, à l’approche des élections municipales, le comité compte bien faire pression sur les élus. Pour l’heure, les travaux ont à peine commencé dans cette friche urbaine abandonnée depuis huit ans et dont la réhabilitation aurait dû s’achever à la mi-2008. Un recours déposé par une autre association, hostile quant à elle aux constructions neuves, a jusque-là bloqué le dossier. Une méthode récusée par le Comité Laënnec-Turgot, pour qui il s’agit simplement de défendre le caractère patrimonial du site, car « économiquement, le quartier est exsangue et il est urgent que les travaux démarrent », déplore Arlette Vidal-Naquet.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°275 du 15 février 2008, avec le titre suivant : Dernier combat pour Laënnec

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