Art ancien

À la manière du Parmesan

Sa ville lui rend hommage pour le cinq-centième anniversaire de sa naissance

Par Giuseppe Luigi Marini · Le Journal des Arts

Le 21 février 2003 - 634 mots

L’exposition « Parmesan et le maniérisme européen » célèbre, à Parme, le cinq-centième anniversaire de la naissance de Francesco Mazzola, dit « Le Parmesan » (1503-1540). Cette première exposition monographique rend hommage à ce maître de la Renaissance qui n’obtint de son vivant ni la gloire ni le succès mérités. Après la Galleria Nazionale de Parme, l’exposition sera présentée au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

PARME - Si l’importance d’un artiste se mesurait au nombre de ses œuvres, Francesco Mazzola, dit “Le Parmesan”, ne serait pas considéré au même titre que les plus célèbres artistes de son temps : Raphaël, Titien, Le Corrège ou Michel-Ange. Son catalogue raisonné ne comprend seulement qu’une cinquantaine d’œuvres peintes dont l’attribution est certaine. À l’occasion du cinq-centième anniversaire de sa naissance, la ville de Parme rend hommage à l’artiste maniériste avec une rétrospective à la Galleria Nazionale, mais aussi dans les espaces voisins et nouvellement restaurés du Palazzo della Pilotta, du théâtre Farnèse et du château de Rochetta.

Chronologique, la scénographie décline les différentes périodes d’activité du Parmesan. Le peintre débute à Parme, se perfectionne à Rome, de 1524 à 1527, puis à Bologne jusqu’en 1531, avant de regagner sa ville natale. Il meurt en août 1540 à Casalmaggiore, près de Parme. Trente-quatre œuvres sont exposées ici, soit les trois quarts de la production du peintre si l’on y ajoute les cycles des églises de la ville, à San Francesco, au château de Fontanellato et à la Steccata – où les fresques récemment restaurées peuvent être contemplées de près grâce aux échafaudages mis à disposition. Outre les œuvres conservées à Parme et dans le reste de l’Italie, le visiteur peut admirer environ quatre-vingts dessins provenant de musées européens et américains, sans compter ceux de la collection Sanvitale de la Galerie nationale de Parme. Les dessins exposés à Vienne ne seront pas les mêmes qu’à Parme, étant donné la fragilité du support. Le catalogue reproduit toutefois les dessins montrés dans les deux lieux.

Certains tableaux importants manquent cependant à l’appel, du fait de leur état de conservation : c’est le cas du Mariage mystique de sainte Catherine et du Portrait d’un antiquaire de la National Gallery de Londres, du Portrait de Galeazzo Sanvitale du Musée de Capodimonte à Naples, de la Madone au long cou de la Galerie des Offices à Florence, ou encore de la Madone de la rose de la Gemäldegalerie de Dresde – qui n’a pu être prêtée à cause des récentes inondations. L’exposition présente également un ensemble exceptionnel d’œuvres d’artistes proches du Parmesan. Ses inspirateurs, au premier rang desquels se trouve Le Corrège, ceux qui ont partagé la tourmente de ses expériences romaines (Pontormo, Fiorentino et Romano), ses émules de l’école de Parme (Anselmi, Bedoli, Bertoia et Scarsellino) et de celle de Fontainebleau (Primatice et Niccolò dell’Abate), sans oublier le cercle de Rodolphe II (Bartholomeus Spranger, Van Aachen).

Les visiteurs les plus intéressés pourront profiter d’une immersion complète dans la Parme du XVIe siècle en suivant, dans la ville et dans la région, tout un itinéraire retraçant la longue et capricieuse histoire du maniérisme. La Camera della Badessa dans le couvent de San Paolo, les décorations de la coupole de l’église de Saint-Jean l’Évangéliste et l’Assomption de la coupole du Duomo de Parme sont toutes l’œuvre du Corrège. Le Palazzo del Giardino renferment des salles peintes par Jacopo Bertoia et Girolamo Mirala. Les châteaux de Torrechiara et San Secondo et ceux de Sala Baganza et Soragna, abritent quant à eux des fresques qui témoignent de la fin d’un style qui se délite jusqu’à devenir purement décoratif.

LE PARMESAN ET LE MANIÉRISME EUROPÉEN

Jusqu’au 15 mai, Galleria Nazionale de Parme, 15 Piazza della Pilotta, Parme, tél. 39 5021 233 617, tlj sauf lundi et jours fériés 9h-14h, www.parmigianino.com. Catalogue en italien édité par Silvana Editoriale da Milano, 450 p., 39 euros.

La vie mouvementée de l’un des maîtres du maniérisme

Fils de Filippo, Francesco Mazzola naît à Parme le 11 janvier 1503. Il n’y a ainsi pas plus "parmesan"... ou plus exactement, "Petit Parmesan" ? (Parmigianino) que lui : l’artiste doit ce diminutif à sa petite stature et à son aspect charmant de putto.

Vasari le décrit ainsi : “Il avait très belle apparence, un visage et un aspect très gracieux, d’ange plutôt que d’homme."

Le biographe avait certainement présent à l’esprit l’Autoportrait dans un miroir convexe (1523), aujourd’hui conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne.

Le Parmesan a grandi dans l’atelier de ses oncles Pier Ilario Filippo et Michele, modestes peintres de province tout comme son père, mort deux ans après sa naissance. Tout jeune, il a participé à la réalisation de fresques dans quelques chapelles de l’église de San Giovanni Évangelista à Parme, où travaillait également Le Corrège ; celui-ci exerça sur le jeune Parmesan une première influence déterminante.

À la veille de son départ pour Rome, en 1524, les Sanvitale de Fontanellato lui commandent une fresque sur le mythe dramatique d’Actéon. Malgré sa très grande réputation à Rome, l’absence de mécènes disposés à protéger Le Parmesan finit par le confiner dans un rôle de second plan, sur la scène romaine. Cependant, dans ses quelques œuvres de cette brève période, l’artiste s’approprie et traduit de manière résolument originale les formules stylistiques de la Renaissance, en leur donnant une orientation pleinement maniériste.

Après avoir échappé au sac de Rome de 1527, il se réfugie à Bologne jusqu’en 1530 où il réalise de nombreuses peintures d’autel et des tableaux pour des particuliers. Il dessine, grave, et porte à la perfection sa sensuelle élégance stylistique. De retour à Parme, en 1531, on lui confie le décor de l’église Santa Maria della Steccata. Ces travaux auraient dû être son grand œuvre. Commencés en 1535, ils s’interrompent en 1539, alors qu’il termine l’intrados de l’abside, pour des problèmes de fourniture de matériel. Ses défaillances et ses retards lui valent une dénonciation de la part des frères et un bref séjour en prison. Il se réfugie alors à Casalmaggiore, miné physiquement et psychologiquement. Il n’a que trente-sept ans, mais sur son ultime autoportrait de la Galerie nationale de Parme, bien connu de Vasari, apparaît la figure d’un vieillard émacié. C’est sur cette image frappante d’une vieillesse précoce – qui n’a rien à voir avec l’Autoportrait dans un miroir convexe, antérieur de quinze ans, où il avait dessiné avec précision la splendeur et la mélancolie d’une jeunesse pleine de promesses – que Le Parmesan achève sa vie, emporté par la peste le 24 août 1540.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°165 du 21 février 2003, avec le titre suivant : À la manière du Parmesan

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