Justice

Les tribunaux américains ne s’opposent pas à Christo

Par Alexis Fournol (Avocat à la cour) · Le Journal des Arts

Le 17 septembre 2013 - 510 mots

« Over the River », l’œuvre imaginée par Christo et Jeanne-Claude, pourrait enfin voir le jour en 2016, après deux décisions judiciaires rendues récemment en faveur du projet.

DENVER - Si, depuis le milieu des années 1960, le paysage, qu’il soit urbain ou naturel, est devenu un cadre et un matériau artistique, permettant l’éclosion de pratiques telles que le land art ou l’art « in situ », les réticences suscitées par les œuvres créées se sont également multipliées. Retardés ou vertement critiqués, telle aujourd’hui la proposition de Daniel Buren à La Spezia en Italie, de nombreux projets demeurent encore à l’état d’ébauche. L’installation éphémère Over the River, imaginée par Christo et Jeanne-Claude (décédée depuis) au-dessus de la rivière Arkansas, sur une portion traversant l’État du Colorado, avec la suspension d’une toile argentée découpée en huit sections et réparties sur 68 km, constitue à ce titre un cas d’école.

Nécessitant un temps d’installation de près de deux années pour une durée d’existence de seulement deux semaines, la création de l’œuvre prévue depuis les années 1990 s’est vu opposer trois procédures judiciaires différentes. Deux d’entre elles ont été résolues récemment en faveur de l’artiste naturalisé américain, ou plus précisément, en faveur des différentes administrations soutenant le projet. Ainsi, le 28 juin 2013 une cour administrative d’appel a rejeté la demande formée par une association visant à contester l’autorisation accordée au projet de s’établir dans la vallée du Colorado. Surtout, le 5 septembre dernier, le tribunal de première instance de Denver (Colorado) a confirmé la décision du parc national d’installer l’œuvre sur son territoire, considéré comme une « zone d’intérêt écologique critique ». La contestation se fondait cette fois-ci sur les conséquences environnementales d’Over the River, au regard du risque d’obstruction et de perturbation du cours de la rivière mais aussi de déstabilisation de la faune locale. S’appuyant sur un rapport d’experts de plus de 1 700 pages, le tribunal a retenu que l’accord entre l’artiste et l’administration n’avait été nullement conclu « d’une manière arbitraire ou désinvolte ». En effet, cet accord résultait d’une concertation avec la population locale, incluant notamment l’association déboutée. Une seule contestation demeure pendante, mais, celle-ci n’étant pas assortie d’une quelconque injonction contre le projet, ce dernier devrait voir le jour en 2016, après un premier report en 2014.

Judiciarisation de la création

L’affaire Over the River dénote tout à la fois la place grandissante accordée aux associations de part et d’autre de l’Atlantique dans la contestation de l’élaboration d’œuvres d’art contemporain, la judiciarisation de la création et la mise en place par les artistes de stratégies de sensibilisation du public. En effet, le projet s’adosse à un site Internet particulièrement actif, www.overtheriverinfo.com, relayant les péripéties judiciaires, l’avancée de l’œuvre, et appelant chacun à prendre part à l’aventure ou du moins à s’informer sur l’ensemble des impacts environnementaux, sociaux et économiques de l’œuvre. L’entreprise pharaonique de Christo, estimée à près de 50 millions de dollars (plus de 37,5 millions d’euros), se dévoile alors comme une œuvre globale pour laquelle tout litige s’inscrit pleinement dans le processus de création.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°397 du 20 septembre 2013, avec le titre suivant : Les tribunaux américains ne s’opposent pas à Christo

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