Spoliations

Le devoir de restitution

Par Daphné Bétard · Le Journal des Arts

Le 26 mars 2013 - 598 mots

Des tableaux spoliés ont été rendus aux ayants droit de leurs propriétaires.

PARIS - Abraham et les trois anges de Sebastiano Ricci (1659-1734), conservé au Musée d’art moderne de Saint-Étienne, L’Apothéose de saint Jean Népomucène signée François-Charles Palko (1724-1770), conservé au Musée de Tours, une Allégorie de Venise de Gaspare Diziani (1689-1767), au Musée d’Agen, et conservés au Louvre, Le miracle de saint Éloi de Gaetano Gandolfi (1734-1802), un Saint-François de Paule représenté dans une niche de Salvator Francesco Fontebasso (1707-1769), un Portrait de Bartoloméo Ferracina d’Alessandro Longhi (1733-1813) ainsi que La Halte, scène de genre hollandaise du XVIIe siècle signée Pieter van Asch. Ces sept tableaux spoliés durant la Seconde Guerre mondiale ont été restitués aux ayants droit de leurs propriétaires, le 19 mars dernier, lors d’une cérémonie officielle dans les salons du ministère de la Culture. Retrouvés au terme de trois années de recherches menées par l’historienne autrichienne Sophie Lillie, puis par la Commission d’indemnisation des victimes de spoliation (CIVS), mise sur pied en France en 1999, les six premiers sont issus de la riche collection de l’industriel viennois Richard Neumann ; le dernier appartenait au Praguois Josef Wiener, assassiné en 1942. Ces tableaux font partie des quelque 2 000 œuvres répertoriées sous l’acronyme « MNR » (Musées nationaux récupération). Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sur les 15 792 œuvres récupérées en Allemagne et de propriétaires inconnus, 2 143 pièces sont retenues pour leurs qualités artistiques et ainsi répertoriées « MNR » – parmi elles, 163 sont issues de spoliations avérées, pour les autres des doutes subsistent. Elles sont confiées par l’État à une cinquantaine de musées français.

Un manque de proactivité

Depuis 1951, seuls 80 tableaux MNR ont été restitués. Il faut attendre les années 1990 pour que la politique de restitution des biens juifs spoliés connaisse une nouvelle dynamique. Un premier répertoire MNR est publié par les musées de France, puis une mission d’étude sur la spoliation des Juifs de France voit le jour en 1997-1998. Présidée par Jean Mattéoli, elle souligne le travail essentiel qu’il reste à accomplir dans le domaine, et donne naissance à la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et à la CIVS, tandis que la « Déclaration de Washington », faisant de la restitution un devoir, est ratifiée en 1998 par une quarantaine de pays. Entre 1998 et 2000, 31 œuvres MNR sont restituées, puis quinze autres entre 2002 et 2008, date à laquelle, a lieu l’exposition « À qui appartenait ses tableaux ? » au Musée d’Israël de Jérusalem d’abord (lire le JdA n° 276, 29 février 2008), puis au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme à Paris. En janvier dernier, la sénatrice Corinne Bouchoux, dans un rapport sur les œuvres culturelles spoliées souligne la nécessité de relancer et d’intensifier cette politique de recherche. « Avec Internet et ses nouveaux outils, notre retard s’apparente à du déni. Il faut remettre l’éthique au centre de nos préoccupations », déclare-t-elle alors. Lors de la restitution du 19 mars, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a annoncé vouloir initier « une démarche proactive dans laquelle la France va engager des moyens pour rechercher les propriétaires, qu’il y ait ou non une demande formelle ». Ce sera l’objectif premier du groupe travail qu’elle vient de mettre en place à la demande de Corinne Bouchoux. Composé de fonctionnaires du ministère, de conservateurs et d’archivistes, d’historiens, de membres de la CIVS, ce groupe doit faire des recherches sur les 163 œuvres MNR dont la spoliation est avérée. Sans donner de précision, la ministre a également annoncé d’autres restitutions pour 2013.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°388 du 29 mars 2013, avec le titre suivant : Le devoir de restitution

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