Art ancien

RENAISSANCE

La renaissance à Toulouse

Par Margot Boutges · Le Journal des Arts

Le 19 avril 2018 - 899 mots

TOULOUSE

Exposés au Musée des Augustins, de larges pans de la création artistique locale au XVIe siècle signalent une influence tournée vers l’antique.

Toulouse. C’est hors des musées que Toulouse au temps de la Renaissance se révèle le mieux. Il suffit de lever les yeux dans les rues ou de pousser la porte d’une cour pour que les nombreux hôtels particuliers bâtis pour les riches marchands de pastel ou les magistrats en charge de la ville (capitouls) s’offrent à la vue du promeneur. Ces édifices font la célébrité de la Ville rose. Le plus renommé est sans doute l’hôtel d’Assézat, élevé entre 1555 et 1557, dont les vastes murs scandés de colonnes doriques, ioniques et corinthiennes abritent aujourd’hui les collections de la Fondation Bemberg. Édifié entre 1515 et 1527, l’hôtel du Vieux-Raisin arbore entre ses briques des portraits en médaillon et des baies à cariatides.

L’exposition « Toulouse Renaissance », qui se tient au Musée des Augustins et à la bibliothèque d’étude et du patrimoine, pourrait être une bonne introduction à une promenade architecturale dans la ville. Elle présente en effet un espace d’interprétation de ces bâtiments grâce à des panneaux et bornes multimédia, et propose une application mobile pour aller à la rencontre de ces demeures de prestige dispersées dans la vieille ville. Mais elle rassemble surtout pour la première fois une large sélection de morceaux artistiques moins connus de l’art local : sculptures, peintures, enluminures, tapisseries, vitraux, joaillerie…, réalisés à Toulouse ou dans ses environs entre la fin du XVe siècle et le début du XVIIe siècle. En se fondant essentiellement sur les récentes études de neuf doctorants et jeunes docteurs, emmenés par Pascal Julien, professeur à l’université Toulouse-Jean-Jaurès et commissaire scientifique de l’exposition, « Toulouse Renaissance » emboîte le pas à « Tours 1500. Capitale des arts » (2012) ou « Arts et Humanisme ; Lyon Renaissance » (2015) qui ont montré les particularités de ces centres de création au XVIe siècle.

Pour Pascal Julien, Toulouse est « un foyer artistique majeur », malgré son éloignement de la Cour et des grands axes de circulation menant à l’Italie. À l’aube du XVIe siècle, cette capitale régionale du sud-ouest de la France est en effet en plein essor. Les instances royales telles que le Parlement, « second en ordre » après celui de Paris, y siègent. Les ordres religieux y sont prospères et l’université, reconnue. La ville s’est enrichie par le commerce européen du pastel, plante cultivée dans la région et utilisée pour la teinture, et ses édiles revendiquent un passé antique glorieux – dont il reste pourtant peu de trace. Dans son Histoire tolosaine (1556), Antoine Noguier, comme d’autres historiens, signalait la primauté de Toulouse sur Rome ou Athènes. N’avait-elle pas été qualifiée par Martial en 94 apr. J.-C. de « Palladia Tolosa », signe de la protection de Pallas Athéna ? N’abritait-elle pas le célèbre camée d’Auguste (Gemma Augustea) dans le trésor de l’abbatiale de Saint-Sernin avant que celui-ci ne soit emporté par François Ier à Fontainebleau, au grand dam des capitouls toulousains ?

Cet attrait pour le passé antique de la ville se lit dans une des œuvres magistrales de l’exposition, qui rayonne en son centre. La Dame Tholose du sculpteur Jean Rancy, fondue en bronze en 1550 et aujourd’hui conservée au Musée des Augustins, fut commandée par les capitouls pour être installée au sommet du bâtiment des archives de la ville. Campée sur un pied, cette allégorie de la Ville vêtue d’une courte robe à l’antique a perdu l’écu qui faisait référence à un nouveau Capitole romain, au sein duquel les Toulousains se targuaient de siéger. Mais elle a conservé tout son dynamisme qui n’a rien à envier au célèbre Mercure volant de Giambologna réalisé des années plus tard (dont l’exposition présente d’ailleurs une copie fondue à Toulouse au début du XVIIe siècle pour être installée dans un jardin.)

Nicolas Bachelier qualifié de « Michel-Ange toulousain »

« Il exista une profonde ambition classique qui guida les Arts dans la Cité »,écrit Pascal Julien dans le catalogue. La figure de Nicolas Bachelier (1487-1556), architecte et sculpteur, en témoigne parfaitement. Originaire d’Arras, dans le nord de la France, celui-ci a réalisé quantité de bustes en haut relief pour l’église Notre-Dame de la Dalbade. Quand le clocher s’est effondré, en 1926, les pertes ont été sévères. Parmi les sculptures conservées et acquises par le Musée des Augustins, un Jeune homme imberbe et vêtu à la romaine dont le visage solennel a des airs de sénateur romain. Un apôtre tenant un livre provenant du retable de l’autel paroissial de la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse (1532) évoque quant à lui la pose et le tourment de l’iconique Laocoon. Bachelier a bénéficié localement d’une « riche historiographie accusant de nombreuses exagérations », écrivent Sarah Munoz et Pascal Julien. Il a ainsi été qualifié de « Michel-Ange toulousain ». L’exposition et son catalogue ont le mérite de lui rendre sa juste place, en relevant son « talent pleinement visible dans le modelé et l’expressivité des visages », où transparaissent cependant, « dès qu’il se trouve dans l’obligation de dénuder les corps, de lourdes fautes anatomiques ». Au cours de la visite, Pascal Julien lâche : « L’art toulousain est un art extrêmement ambitieux qui n’a pas toujours les moyens de son ambition. On ne présente pas ici que des œuvres extraordinaires. Il y a des œuvres moyennes. » Nous voilà avertis.

Toulouse Renaissance,
jusqu’au 24 septembre, Musée des Augustins, 21, rue de Metz ; jusqu’au 16 juin, Bibliothèque d’étude et du patrimoine, 1, rue du Périgord, 31000 Toulouse.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°499 du 13 avril 2018, avec le titre suivant : La renaissance à Toulouse

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