Art contemporain

XXE-XXIE SIÈCLES

Christian Jaccard fait feu de tout bois

Par Itzhak Goldberg · Le Journal des Arts

Le 13 février 2024 - 453 mots

MONTPELLIER

Combustion, nœuds, film, l’artiste a expérimenté différentes techniques et supports pour créer les œuvres présentées à Montpellier.

Montpellier. C’est peu dire que l’œuvre de Christian Jaccard (né en 1939) est incendiaire. Littéralement, car ce dernier a choisi le feu comme un allié privilégié pour sa pratique artistique. Certes, il n’est pas le seul à faire appel à cet élément. Yves Klein, qui remplace parfois le pinceau par un bec brûleur, déclarait que ses tableaux sont les « cendres » de son art. Le plasticien italien, Alberto Burri, a exécuté en 1956 Combustions, fait de matières plastiques calcinées.

Cependant, dans le cas présent, les traces qui résultent d’une combustion mèche lente sur des toiles libres ou sur des chutes de tissus prolongent la réflexion de Christian Jaccard sur l’empreinte. Graveur chromiste dans une imprimerie typographique à partir de 1964, il explore les différents processus – l’estampage, la combustion, le pliage, la calcination ou le tressage – qui laissent leurs marques sur un support.

Ce sont ces œuvres qui occupent l’essentiel de la présentation du Musée Fabre de la donation Jaccard (41 pièces). Modeste, mais accrochée avec élégance, elle montre les premiers travaux de Jaccard, des toiles colorées accompagnées d’« outils » fabriqués par l’artiste, souvent avec un cordon de dynamite (Couple toile – outil calciné, 1972). La variété des matériaux employés par Jaccard, la manière de présenter ses œuvres rappellent que, sans faire partie de Supports-Surfaces – tout en participant à plusieurs expositions du groupe –, il partage certains de leurs principes. Dans la même section, se trouvent des toiles et des dessins sur lesquels s’imprime la forme iconique de l’artiste : le nœud (Couple nœuds sauvages, 2003).

À partir d’une série de structures nodulaires, Jaccard dégage une écriture personnelle, un alphabet de signes secrets mais qui rappellent qu’à l’origine, les nœuds, ces ancêtres tridimensionnels des idéogrammes, étaient employés par certaines tribus pour exprimer visuellement une pensée plus ou moins rudimentaire. Cette écriture semble s’étendre à la fois horizontalement et verticalement, dans une sorte d’all-over à épaisseur variable. L’artiste décrit son travail comme un procédé organique qui s’accroît et se complexifie, qui échappe pratiquement à tout contrôle et prend des allures de dérèglement cancéreux. « Le premier lien est assez petit ; lié, surlié, puis il enfle. Suite de petits nœuds reliant les deux bouts, comme des verrues qui poussent et prolifèrent (maladie de la verrue structurée). Le nœud gonfle, s’allonge et s’enrobe »,écrit-il (Christian Jaccard, Centre Pompidou, 1975). On regrette le peu d’exemples de ces « sculptures nouées » parmi lesquelles l’impressionnant ensemble, Garden Party, les outils du jardin, 1994-1995, ou Le Délassement du peintre (2017). Mais on peut se consoler avec le beau film, Grand Bois (2007) : la mise en scène d’un bâtiment industriel en ruines, entouré de flammes.

Christian Jaccard, une collection,
jusqu’au 21 avril, Musée Fabre, 39, boulevard Bonne Nouvelle, 34000 Montpellier.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°626 du 2 février 2024, avec le titre suivant : Christian Jaccard fait feu de tout bois

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