Éco-quartier

Un bâtiment pilote à Paris

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 29 janvier 2014 - 762 mots

Françoise-Hélène Jourda a fait de la halle Pajol la figure de proue de la métamorphose du 18e arrondissement de Paris et la plus grande centrale urbaine photovoltaïque de France.

PARIS - Argument publicitaire par excellence, le développement durable sert autant à vendre du café, du chocolat, des vêtements que des bâtiments. Les architectes se sont emparés du sujet (de toute façon obligatoire, car inscrit dans un système normatif à respecter) et l’on a pu entendre de savoureuses perles en la matière, dignes de figurer dans un bêtisier de l’architecture (1). Pionnière du développement durable dès le début de sa carrière dans les années 1980, Françoise-Hélène Jourda s’exprime on ne peut plus clairement sur le sujet. Au-delà des piliers social et économique et du point de vue environnemental, l’enjeu est pour elle de « minimiser l’impact du bâtiment sur les ressources disponibles de la planète, c’est-à-dire en eau, matériaux, air, énergie, sol ».

Le concours qu’elle a remporté en 2007 pour la transformation de la halle Pajol, projet phare de la ZAC éponyme, reposait sur l’audacieux pari de réaliser un bâtiment à énergie positive, c’est-à-dire produisant plus d’énergie qu’il n’en consomme. Au final, équipée de 3 500 m2 de panneaux photovoltaïques, la construction représente aujourd’hui la plus grande centrale solaire urbaine de France. Étiré le long des voies ferrées menant à la gare de l’Est, le hangar datant de 1926 appartenait à la SNCF qui l’utilisait pour le déchargement de colis postaux. Après l’avoir débarrassé des remplissages successifs (béton, briques, tuiles) et remis en état, Françoise-Hélène Jourda a logé sous la charpente une construction totalement en bois et indépendante. Tout au dessus, la toiture originelle en forme de dents de scie était un support idéal à même d’accueillir les nombreux équipements solaires. L’emploi du bois à cette échelle, en plein cœur de Paris est inhabituel et accompagne la métamorphose spectaculaire de ce quartier de La Chapelle, autrefois délétère. Outre la douceur qu’il diffuse, ce matériau renouvelable, issu de forêts éco-gérées, apporte un fort potentiel de flexibilité et de convertibilité. Utilisé en structure verticale porteuse, il a fait dans ce cadre l’objet d’inventions technologiques inédites, où le bois de sapin porte le béton et non l’inverse.

Une gestion des ressources exemplaire
Aujourd’hui, la halle accueille une auberge de jeunesse, une bibliothèque, une salle de spectacle, quelques bureaux et des commerces en rez-de-chaussée et offre la part belle aux espaces publics : côté rue, un vaste parvis laisse exprimer toute sa force à la façade de mélèze, tandis que côté rails, un jardin couvert, en partie par la charpente métallique, est relié en pente douce à la rue Riquet. Ponctué de bassins récupérant les eaux de pluie de la toiture, l’espace vert participe au versant environnemental et il sera flanqué d’un ensemble de jardins partagés, dont bénéficieront les parisiens.
Ici, on a évité le pire et le bien-être des habitants a eu raison de la spéculation. En 1990, le site a été l’objet d’une bataille politique. La municipalité de l’époque avait « le projet fou de densifier la zone en construisant plus de sept cents logements le long des voies de chemin de fer », explique Daniel Vaillant, maire de l’arrondissement.

Avec ses performances énergétiques et thermiques exemplaires, le bâtiment est un « manifeste » tel que le revendique la pétillante Françoise-Hélène Jourda. Cette dernière a su exploiter l’édifice d’origine dont elle a conservé l’intégrité et la valeur patrimoniale. Irradiant d’un fort impact esthétique dans le paysage, la halle – rappelant les systèmes Eiffel – lui a permis une grande simplicité du nouveau bâti et donc une économie des coûts de construction. Gageons que la réussite de ce bâtiment pilote ne masquera pas les enjeux d’une réflexion nécessaire sur les questions politiques et économiques soulevées par le développement durable. On fait beaucoup porter aux architectes la responsabilité de ce dernier, mais il ne peut s’envisager que si la maîtrise d’ouvrage acceptait de raisonner en coût global de la construction, lequel intègrerait les coûts de maintenance. Un surplus du prix de la construction peut à terme générer de grandes économies et par ailleurs, on ne peut pas exiger des concepteurs de faire durable et de moins en moins cher.

Note

(1) « L’architecture n’est pas forcément durable dans sa durée », Aldric Beckman, architecte.
« Ce qui me gêne, c’est le mot durable… je préfère parler de biodégradabilité », Louis Paillard, architecte.

HALLE PAJOL

Maître d’ouvrage : Ville de Paris & SEMAEST
Maître d’œuvre : Jourda architectes Paris
Livraison : mai 2013 (jardin décembre 2013)
Coût : 26,7 millions d’€ HT
Superficie : 10 108 m2
Paysagistes : In Situ

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°406 du 31 janvier 2014, avec le titre suivant : Un bâtiment pilote à Paris

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