Architecture

Hommage

Sert, l’architecte au service de l’art

Par Sophie Trelcat · Le Journal des Arts

Le 22 avril 2014 - 771 mots

SAINT-PAUL-DE-VENCE

Pour ses 50 ans, la Fondation Maeght consacre une exposition à Josep Lluís Ser, l’architecte des lieux.

Fondation Maeght, Saint-Paul de Vence - Photo Modulor - 2007 - Licence CC BY SA 3.0
La Fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence.
Photo Modulor, 2007

SAINT-PAUL-DE-VENCE - « Il s’est peut-être passé ici quelque chose dans l’histoire de l’esprit ». Ainsi s’exprimait André Malraux le 1er août 1964 lors de l’inauguration de la Fondation Maeght. L’événement réunissait les grands créateurs de l’époque tels que Miró, Giacometti, Braque, Léger ou encore Chagall et pour lesquels le lieu avait été créé. Yves Montand, venu en voisin, et Ella Fitzgerald y chantaient en duo le soir du vernissage. Un demi-siècle plus tard, la déclaration du ministre des Affaires culturelles est toujours d’actualité. Depuis sa création, le site n’a cessé d’accueillir toutes formes d’art, de la peinture à la musique en passant par la danse et le théâtre. L’architecture n’est pas laissée pour compte et en été 1970 une tente gonflable dessinée par le visionnaire Hans-Walter Müller y est même érigée afin d’abriter un festival de musique et d’art contemporain. Pour fêter le cinquantenaire de la Fondation, l’art de bâtir est à nouveau convoqué à travers la figure du catalan Josep Lluís Sert (1902-1983), concepteur du lieu. « L’exposition montre comment ce musée est né du rapport de Sert aux arts plastiques », explique Olivier Kaeppelin, son directeur, qui a bénéficié pour ce commissariat du soutien de Jaume Freixa, ancien collaborateur et ami de Sert. Se tisse alors en filigrane, l’histoire professionnelle et d’amitié entre tous les protagonistes du projet.

L’événement présente par ailleurs les grandes réalisations du créateur ayant comme objet l’art, sa monstration et sa diffusion. Ainsi en est-il du radical pavillon de la République espagnole pour l’exposition internationale de 1937 à Paris qui abritait notamment le Guernica de Picasso. L’époque était alors à la montée des drames en Europe et Barcelone était en lutte contre le franquisme.

L’alchimie entre amitié, architecture et art
La Fondation est née d’un deuil. C’est suite au décès d’un de leurs deux fils, Bernard, en 1953 qu’Aimé et Marguerite Maeght, marchands d’art, décident « d’entreprendre quelque chose qui les dépasse ». Après avoir voyagé aux États-Unis, leur volonté est de bâtir dans une pinède à flanc de colline qu’ils viennent d’acquérir à Saint-Paul-de-Vence « une sorte d’utopie », un village où les artistes dont ils étaient proches viendraient travailler. L’idée commence à se concrétiser lors de la visite des époux Maeght chez Miró, dans son atelier de Palma de Majorque dessiné par son ami Josep Lluís Sert. Enthousiasmés, ces derniers le sollicitent pour l’édification du projet, une relation indéfectible avec l’architecte catalan se noue et le premier musée privé de France est créé. Dès le départ de la collaboration, Sert s’était rendu à Saint-Paul-de-Vence pour travailler sur place à la conception de l’édifice avec les artistes concernés. Alors que l’édifice ne couvre que 850 m2, il parvient à recréer la fragmentation d’un village, fait de matériaux simples, (briques, tomettes, béton, pierre et comprenant le balcon, l’agora, l’église…), parfaitement intégré dans le paysage. Les salles d’exposition fermées sont mises finement en relation avec des salles extérieures tels que le patio avec un bassin de Georges Braque, celui avec les sculptures de Giacometti ou le labyrinthe Miró et l’ensemble offre une agréable variété de parcours. De plus, la qualité de la lumière est exceptionnelle grâce à la mise au point d’un système d’éclairage prenant la forme de demi-voûtains (malheureusement occultés actuellement pour des impératifs de conservation des œuvres) et qu’il déclinera dans la plupart de ses projets.

Amené à construire principalement dans des climats méditerranéens, la force de Sert est d’avoir créé des bâtiments peu ouverts sur l’extérieur, mais pourtant esquivant tout effet bunker et baignant dans la lumière. Ainsi des villas du cap de Punta Martinet sur l’île d’Ibiza aux Baléares, dont la maison atelier de Zao Wou-Ki et la propre habitation de Sert. Moderniste radical, inspiré tant par Gaudí, Le Corbusier que par les artistes qui l’entourent, Sert s’est créé une esthétique qui lui est propre et ses édifices ont la chaleur espagnole que n’auront jamais les réalisations du maître suisse chez qui Sert aura été formé de 1927 à 1929. L’exposition présentant l’œuvre d’un architecte dans une de ses propres constructions est une situation rare et ici la visite du lieu est un exemple de la probité du travail de Sert présenté. Dirigé aujourd’hui par le fils Adrien Maeght et sa fille Isabelle et cadré par un conseil d’administration contrôlé par l’État, le musée poursuit l’esprit de prospective qui l’anime depuis sa naissance. Une extension est à venir et les héritiers ont eu l’intelligence de résister aux sirènes des grands gestes architecturaux en choisissant un projet discret, développé en contrebas de la maison mère.

L’art et l’architecture de Josep LluÁ­s Sert

Jusqu’au 9 juin, Fondation Maeght, chemin des Gardettes, 06570 Saint-Paul-de-Vence, tél. 04 93 32 81 63, ouvert tlj 10h-18h (octobre-juin ) et 10h-19h (juillet-septembre).

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°412 du 25 avril 2014, avec le titre suivant : Sert, l’architecte au service de l’art

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