Richard Deacon

« Je m’intéresse à l’idée d’une construction virtuelle »

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 24 avril 2008 - 749 mots

Le sculpteur britannique Richard Deacon, qui expose à la Fondation Maeght, se définit comme un « fabricateur ».

En mêlant matières (acier, bois, céramique) et époques différentes, la Fondation Maeght, à Saint-Paul de Vence, accueille onze œuvres du sculpteur gallois Richard Deacon (né en 1949). Aux trois pièces de 1986 en acier galvanisé incluant des objets trouvés (The Back of my Hand n°1, 4 et 5) répondent, dans la salle d’expositions temporaires, des travaux plus récents à la maîtrise constante. Le regard saute sans à coups de l’un à l’autre, dans un accrochage d’une grande rigueur.

Comment avez-vous pris possession des lieux et pensé votre accrochage pour la Fondation Maeght ?

Michel Enrici, son directeur, m’a invité à faire une exposition à la fondation, et ce qui s’est d’emblée imposé à moi fut une réflexion menée sur l’idée de mur. La grande salle d’exposition en comporte en effet un grand très intéressant. J’ai pensé l’accrochage selon l’idée de choses attachées au mur, à commencer par Ecstatic (2007), une grande pièce de bois qui fait presque la hauteur du mur, mais ne doit toucher ni le sol ni le plafond. L’invitation est venue au moment où j’étais en train de préparer le pavillon du Pays de Galles pour la Biennale de Venise en 2007, et je crois qu’il y a une certaine concordance entre ici et l’espace vénitien. C’est un hasard si les deux projets se sont un peu télescopés. Or, ma réflexion pour Venise a fait que ce projet s’est ancré très facilement dans mes idées.

Diriez-vous que le lieu a guidé le choix des œuvres ?
Certainement. Le lieu, mais aussi le souhait de faire appel à une variété de matériaux. Je suis en train de réaliser des pièces en acier, comme Dog (2008), et je souhaitais aussi qu’il y ait un mélange.

L’hétérogénéité du langage sculptural est-elle pour vous une préoccupation constante ?
Je ne suis pas certain qu’il s’agisse d’un contrat pour moi, même si depuis plusieurs années il y a une hétérogénéité dans mes œuvres. Au cours des années 1970, j’ai pris certaines décisions à propos de la sculpture que je voulais faire. Je reste confiant dans ces choix. Par exemple, la taille m’intéresse, alors que je ne pratique pas le moulage en bronze, qui constitue pour moi une rupture avec la matérialité des choses et de l’objet. Avec la taille, c’est différent. Excaver l’intérieur permet de découvrir des choses. Et puis je ne travaille pas avec la vidéo ou le multimédia. Peut-être est-ce une question de langue également ? Mais, en ce moment, je m’intéresse à l’idée d’une construction virtuelle. C’est une possibilité intéressante. J’aimerais pouvoir construire un objet sans le toucher, d’une manière automatique.

La diversité de matériaux est-elle le fruit d’une volonté d’expérimentation ou plutôt le souhait d’un nouveau vocabulaire ?
C’est plutôt un intérêt pour le vocabulaire, et d’insister sur la relation entre le processus de travail et la matérialité du monde. Le vocabulaire est sorti de cette variété des possibilités du matériau. La matérialité est une idée très importante pour moi, et si je ne sculptais que dans un seul matériau, cette idée de contact avec le monde matériel disparaîtrait un peu.

Depuis quelques années, vous avez fait appel à la céramique. Cela vous apporte-t-il quelque chose de nouveau ?
Ce qui diffère absolument avec la céramique, c’est la question de l’œuvre démontable après coup. La majorité des choses que j’ai réalisées dans d’autres matières donne l’impression qu’il s’agit d’objets démontables, composés de morceaux qu’on peut séparer et reconstituer selon les pièces originales. Ce qui n’est pas la réalité. Avec la céramique, la construction est la même, mais après cuisson, elle devient évidemment un objet monolithique.

Vous avez employé il y a longtemps le terme de « fabricateur » pour vous décrire. Il évoque bien sûr la manipulation, mais en anglais, il signifie aussi inventer des histoires…
En effet, la signification anglaise est double : quelqu’un qui fait des constructions de matière, mais aussi des histoires, des situations, des mensonges. Pour moi, chaque sculpture n’est pas limitée à un seul sens, et je souhaite qu’elle garde la possibilité d’avoir beaucoup d’autres interprétations. Il est important de donner au spectateur la liberté d’imaginer l’à-propos possible de la sculpture. Et la manipulation est double : il y a celle du matériau, mais aussi celle de l’objet qui manipule lui aussi le regardeur.

RICHARD DEACON, BORDER TRAFFIC

Jusqu’au 8 juin, Fondation Marguerite et Aimé Maeght, 06570 Saint-Paul de Vence, tél. 04 93 32 81 63, www.fondation- maeght.com, tlj 10h-18h.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°280 du 25 avril 2008, avec le titre suivant : Richard Deacon

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