Marc Boutavant, lectures initiatiques

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 19 mai 2014 - 307 mots

Jeunesse - Bénie soit l’illustration jeunesse. On la croit futile, standardisée ou médiocre. Elle l’est parfois.

Mais, pour ceux qui ne se contentent pas du premier Martine venu – nonobstant ses qualités narratives et son esthétique appliquée –, une galaxie d’ouvrages remarquables s’offrent aux lecteurs. Pour les plus jeunes, c’est l’occasion d’un circuit artistique initiatique, riche et varié, avant d’entamer des plats plus sophistiqués au musée. Pour les plus âgés, c’est se rappeler que les mots ne disent pas tout… Le lecteur qui a donc à cœur de nourrir ses (petits-) enfants de produits du terroir sélectionnés avec passion, décline avec la même ferveur cette exigence pour ses pupilles. Car l’éducation artistique commence ici. Parmi les valeurs sûres actuelles, il soumet volontiers son regard à tout ouvrage estampillé Marc Boutavant – une quarantaine de livres, diffusés dans neuf pays.

Le prolifique illustrateur, père de Mouk et d’Ariol, souvent imité, jamais dépassé, offre un bestiaire inouï aux sourires communicatifs et sans mièvrerie. Un humour vif et une palette sémillante enrichissent un univers foisonnant qui n’a parfois rien à envier à Murakami, et dont le goût pour l’art floral n’est pas sans évoquer Gauguin. L’équilibriste laisse filer un trait sensible aussi sincère et rieur que celui de Sempé, dans des formes aux accents rétro, toujours lisibles et savamment orchestrées. L’artiste inventif sait combien l’économie de moyens sert la composition de ses images, en offrant deux écritures, l’une au trait, l’autre en aplats, aussi délicates et libres l’une que l’autre. Dans ses décors s’épanouissent même des meubles dignes de Charles et Ray Eames. Boutavant dessine comme un poète et met son talent au service d’auteurs exigeants comme Toon Tellegen et Colas Gutman, qui ne prennent pas les enfants – ces futurs adultes – pour des imbéciles. L’illustrateur se destinait à devenir médecin. Ses images soignées ont assurément des vertus curatives.

Marc Boutavant et Toon Tellegen, N’y a-t-il personne pour se mettre en colère ?, Albin Michel Jeunesse, 82 p., 14,90 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°669 du 1 juin 2014, avec le titre suivant : Marc Boutavant, lectures initiatiques

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque