Centre d'art - École d'art

ENTRETIEN

Les grandes ambitions de Numa Hambursin pour le Mo.Co 

Numa Hambursin, directeur général du Mo.Co : « Dans le trio de tête des institutions d’art contemporain en région »

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 13 octobre 2023 - 1128 mots

MONTPELLIER

Le directeur du Mo.Co met en avant un bilan positif de son action et se projette ambitieusement dans l’avenir.

Numa Hambursin. © Brice Pelleschi
Numa Hambursin.
© Brice Pelleschi

Montpellier. L’ancien galeriste et directeur de la Malmaison à Cannes est arrivé il y a deux ans à la tête de l’établissement public qui regroupe une école d’art et deux centres d’art. Il annonce une fréquentation en hausse, vante les bénéfices de ce « hub de l’art contemporain » et affiche de grandes ambitions pour le futur.

Quel bilan tirez-vous de ces deux années passées au Mo.Co après une nomination qui a fait des vagues ?

Dès mon arrivée, j’ai souhaité améliorer trois données objectives : la fréquentation des expositions, les ressources propres et la couverture médiatique. S’agissant de la fréquentation, alors que la saison 2021-2022, où s’achevait la programmation de mon prédécesseur, a accueilli 80 000 visiteurs, la saison 2022-2023 que j’ai signée a attiré 130 000 personnes au Mo.Co et à la Panacée. Les expositions « Berlinde De Bruyckere », « Musées en exil », « Immortelle », « Ana Mendieta » ou « Neo Rauch » rencontrent un vrai succès. Je suis fier de ce résultat parce que je considère que nous sommes avant tout un service public et qu’à ce titre nous devons toucher le plus grand nombre, en particulier sur notre territoire, et pas simplement le public habituel de l’art contemporain. Les collectivités locales investissent beaucoup sur notre établissement : 3 millions pour la Ville de Montpellier et 3,2 millions pour la Métropole. La Drac, quant à elle, nous soutient à hauteur de 360 000 euros.

Quid des autres indicateurs ?

Avant mon arrivée, les recettes propres constituaient à peine 5 % de nos rentrées financières. Nous sommes aujourd’hui à 12 % grâce au succès des expositions mais également grâce à la création de notre fondation de mécènes, une vingtaine d’entreprises engagées sur cinq ans, ou grâce aux deux restaurants qui fonctionnent bien. Quant à la presse, nous n’avons jamais eu autant d’articles, notamment dans les médias étrangers. Je pense que le Mo.Co peut se positionner dans le trio de tête des institutions d’art contemporain en région.

Les statuts du Mo.Co ont récemment été modifiés pour permettre d’acheter des œuvres. Cela annonce-t-il un futur musée d’art contemporain ?

Non, il ne s’agit pas de modifier notre formule, mais d’en tirer parti. Ce changement résout d’abord une situation étrange qui ne permettait pas d’accepter des donations, de garder une trace des expositions ou de conserver des œuvres que nous avions produites, alors même que le lieu s’appelait paradoxalement « l’hôtel des collections ». Par ailleurs, il est anormal qu’une ville aussi importante que Montpellier n’ait pas une collection d’art contemporain : on ne peut pas s’arrêter à Supports-Surfaces, terminus historique au Musée Fabre. Bien sûr, on ne va pas se lancer dans l’achat des stars du marché, mais il serait pertinent d’acquérir des artistes passés par notre école ou associés à nos expositions. Nous solliciterons des donateurs et mécènes, et avons même déjà reçu des propositions de dons.

N’y a-t-il pas un rapprochement possible – comme les Abattoirs de Toulouse – avec le Frac installé à Montpellier qui manque dramatiquement de moyens et de visibilité ?

Ce serait un rapprochement naturel et qui ferait sens. Aujourd’hui, toutes les hypothèses sont sur la table et relèvent de décisions stratégiques au niveau des collectivités. Carole Delga, présidente de la Région, et Michaël Delafosse, maire de Montpellier, ont une réelle proximité. C’est à mon avis le sens de l’histoire.

Quelle est la situation financière de l’école des beaux-arts que vous dirigez ?

Comme toutes les écoles d’art, celle de Montpellier a subi de plein fouet l’inflation et la hausse des salaires consécutive à l’augmentation du point d’indice. Mais grâce à la structure commune – un établissement public qui regroupe l’école et les deux centres d’art –, nous avons réussi à amortir le choc. Paradoxalement, la conséquence négative de cette bonne gestion est que l’État ne nous a versé que 10 000 euros de son enveloppe d’urgence de 2 millions d’euros aux écoles d’art. Les ressources de l’établissement public permettent aussi d’investir sur ses fonds propres avec, par exemple, l’achat récent d’un four à céramique. À noter également que nous sommes associés au projet « Miranda », porté par l’université Paul-Valéry, lauréat de l’appel à projets « Excellences sous toutes ses formes » du plan France 2030.

Donc le rapprochement entre lieux d’exposition et école fonctionne…

Oui, et je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que le mérite en revient à l’ancien directeur, Nicolas Bourriaud, même s’il a fallu corriger quelques dysfonctionnements. En constituant ainsi un hub de l’art contemporain, le Mo.Co acquiert un poids et une crédibilité qui permettent de négocier plus facilement des prêts d’œuvres, des financements ou des partenariats. Nous pouvons ainsi envoyer nos diplômés à l’étranger, comme en ce moment à la Biennale de São Paulo (dans le cadre de « Saison 6 »), où ils participent au montage et organisent une exposition de leurs propres œuvres. Beaucoup de personnalités françaises et étrangères viennent à Montpellier pour les expositions, pour l’école ou pour les deux. Ce modèle de pôle compact fait la preuve de son efficacité et nous pouvons aller plus loin. C’est une façon de faire contrepoids à la domination des institutions parisiennes et des fondations aux moyens quasi illimités.

Quelles sont les synergies entre l’école et les deux lieux d’exposition ?

Les étudiants sont chez eux au Mo.Co et à la Panacée. Ils assistent à nos conférences, ils viennent en amont des expositions, ils rencontrent les artistes, les commissaires, participent au montage… C’est un vrai « plus » dans leur formation, un lien qui ne s’éteint pas avec le diplôme. La Panacée accueille, par exemple, une biennale des artistes du territoire qui comprend d’anciens ou de jeunes diplômés de l’école.

Votre prédécesseur était très lié à l’ancien maire. Quelles sont vos relations avec Michaël Delafosse, maire depuis 2020 ?

Au niveau territorial, il est toujours fondamental d’avoir une relation de confiance avec les élus. La municipalité me fait sans doute confiance. Le maire a ainsi pris en compte ma proposition d’élargir le 1 % artistique aux immeubles privés. Un comité vient d’être mis en place pour s’assurer du dispositif, de la qualité des œuvres et du dialogue entre artistes et promoteurs immobiliers. J’espère que de nombreuses œuvres d’art vont ainsi fleurir dans la métropole montpelliéraine, dans les immeubles ou à l’extérieur. La Ville poursuit son programme de commandes publiques, comme Barthélémy Toguo pour le tramway. Le Mo.Co joue pleinement son rôle dans la candidature de la ville pour être « capitale européenne de la culture en 2028 ». Je pense que l’on peut faire de Montpellier un hub incontournable de l’art contemporain, dans un pays qui a besoin en urgence de favoriser de nouveaux centres hors Paris. Rappelons que la modernité artistique a été inventée sur l’arc méditerranéen qui va de Menton à Collioure et qui dispose aujourd’hui d’un nombre inégalé de musées et de fondations.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°618 du 6 octobre 2023, avec le titre suivant : Numa Hambursin, directeur général du Mo.Co : « dans le trio de tête des institutions d’art contemporain en région »

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