L’épure selon Boutin

Par Gérald Guerlais · L'ŒIL

Le 24 septembre 2015 - 315 mots

Dans la cuisine d’Anne-Lise Boutin, vous trouverez parfois de l’abstraction, un soupçon de cubisme orphique de Delaunay et même les rondeurs envoûtantes de Léger, qu’elle emprunte avec délice. Belles influences qui font sens.

L’image vibre de cette bataille constante entre la force de la couleur, qui s’impose en aplats vifs et francs, et le savant équilibre des lignes et des formes. Volutes et volumes s’harmonisent dans un chant graphique à la limite de l’ornemental, sans pour autant perdre de vue son sujet. Vestige de ses heures passées sur les bancs des Arts appliqués de Duperré, section Impression textile : un goût parcimonieux pour les effets tampons décalés qui occasionnent des superpositions de couleurs complémentaires mais, surtout, les motifs. Exit la texture qui freine le regard. Tout au plus des foisonnements dignes de calaveras mexicaines. Un autre passage, aux Arts décoratifs cette fois, la débarrassera des dernières tentations ornemanistes. Au fil des images réalisées ces cinq dernières années une évidence s’impose : la place à l’épure. Aux silhouettes solides, délicatement enchevêtrées pour tisser un canevas narratif de plus en plus lisible. Au prix d’une palette réduite, qui chasse subtilement le superflu, l’œil circule, glisse le long des courbes, trébuche sur de rares angles, prend la tangente et révèle rapidement le sens d’images résolument ludiques, parfois oniriques, souvent merveilleuses, voire étranges. Libération, Le Monde, The Guardian, Psychologie Magazine, etc. réclament l’efficacité de ses collages traditionnels ou découpages numériques, car l’illustratrice sait traiter les sujets avec la bonne distance, tout en suggestion symbolique et en force d’évocation. Côté albums jeunesse, chez Gründ, Acte Sud, Rouergue, Hatier, Milan…, l’ambition visuelle est autre : magnifier le sujet. Ne pas céder à la redondance et l’enrichir d’un vocabulaire graphique qui transcende les thèmes difficiles de l’identité culturelle, des clivages religieux et du déracinement. Dernier Boutin à butiner : Contes et musiques d’Afrique, car il fallait une grande graphiste pour accompagner les griots.

Souleymane Mbodj, Anne-Lise Boutin, Contes et musiques d’Afrique, Éditions Milan, collection Albums et contes, 19,90 €.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°683 du 1 octobre 2015, avec le titre suivant : L’épure selon Boutin

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