Art contemporain

Le langage des plantes

Par Stéphanie Lemoine · L'ŒIL

Le 25 octobre 2023 - 430 mots

Treize artistes ont été conviés à porter un regard sur le végétal. Un champ d’exploration fertile, entre éloge de la beauté, alerte sur la biodiversité et recréation du vivant par la technologie.

Depuis une décennie environ, les plantes s’affirment comme l’un des sujets phares de la création contemporaine. L’attention dont elles sont l’objet ne réactive pas seulement des genres classiques, tels que la nature morte, elle tient surtout à une mise en question profonde des « sciences de la nature » et de leur vision du monde. Témoins muets de la révolution industrielle et scientifique au XIXe siècle, les plantes porteraient en effet les germes d’une nouvelle relation de l’humanité au vivant. « Ce que disent les plantes », au Grenier à Sel (Avignon), est emblématique de cette approche. Premier volet d’un cycle intitulé « Symptômes du vivant », l’exposition fait du bicentenaire de la naissance du naturaliste Jean-Henri Fabre (1823-1915) l’occasion de cerner l’évolution du discours artistique sur le végétal. Autour d’un ensemble de films, d’herbiers et d’installations de 13 artistes, elle articule classification botanique (herbiers, atlas, etc.), systèmes de veille et d’alerte sur la destruction des écosystèmes et recréation d’une « nature » artificielle grâce aux nouvelles technologies. Les Jardins cybernétiques de Donatien Aubert (né en 1990) exposent le cadre théorique dans lequel se déploie l’approche contemporaine du monde végétal. Cette œuvre datée de 2021 souligne tout ce que notre vision des plantes doit à la cybernétique, qui modélise la communication entre vivants et machines. Mais la cybernétique rend aussi possible la reconstitution de plantes disparues depuis la révolution industrielle et elle ouvre la possibilité d’imaginer une nature hybride, sinon entièrement synthétique.

HERBIER NUMÉRIQUE

Les œuvres qui jalonnent « Ce que disent les plantes» en offrent autant d’exemples. Dans Respirations, Betty Bui (née en 1967) exalte la vitalité des végétaux en recourant à l’animation vidéo. Miguel Chevalier (né en 1959) mobilise l’intelligence artificielle de Midjourney (générateur d’images) pour figurer un jardin en mouvement. Sabrina Ratté (née en 1982) simule dans Floralia un herbier numérique, où des espèces disparues perdureraient. Benjamin Just (né en 1969) crée une Forêt résiliente qui s’anime à chaque fois qu’une déforestation est en cours, c’est-à-dire tout le temps. En exposant un herbier conçu dans le cadre de recherches du Cnes sur l’agriculture dans l’espace, Valère Costes (né en 1974) ouvre, quant à lui, sur un futur ambivalent, où les végétaux seraient cultivés dans des conditions de culture extrêmes. Les plantes nous tiennent en somme un langage ambigu : leur vulnérabilité aux transformations rapides de l’environnement révèle aussi leur plasticité, ouvrant du même coup aux artistes un champ d’exploration fertile, entre vivant et technologies.

À VOIR
« Ce que disent les plantes »,
Le Grenier à Sel, 2, rue du Rempart-Saint-Lazare, Avignon (84). Jusqu’au 22 décembre. legrenierasel-avignon.fr

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°769 du 1 novembre 2023, avec le titre suivant : Le langage des plantes

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque