Charles de Meaux « Je suis fasciné par le paysage mental et la mémoire »

Réalisateur

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 25 février 2014 - 657 mots

Charles de Meaux, réalisateur et artiste cinéaste, est l’invité d’honneur du Nouveau Festival du Centre Pompidou.

Quel est le point de départ de votre installation ?
Lorsque Bernard Blistène m’a demandé de réfléchir à un projet, j’ai eu envie de proposer une œuvre liée au contexte du lieu. En sortant du Centre Pompidou, on se demande toujours d’où sortent ces énormes tuyaux blancs à l’extérieur, où vont-ils, que se passe-t-il dans les entrailles du Centre ? J’ai imaginé qu’ils constituaient une matière vivante, comme des viscères émergeant par ce trou au milieu du Forum.

Comment avez-vous conçu cette œuvre ?
C’est un travail sur la réminiscence, la mémoire, sur cet instant furtif où l’on se souvient de quelque chose qu’on parvient à peine à entrevoir. On réinvente en partie le souvenir, mais on n’arrive pas à l’attraper et à le fixer complètement. C’est ce moment, un peu proustien que j’ai eu envie de faire expérimenter au public. La forme idoine pour cela est celle du train fantôme, que j’aime beaucoup parce qu’elle est ancrée dans la culture populaire. En plus, le Centre Pompidou a été inauguré avec un train fantôme de Tinguely. Je propose ainsi une expérience de train fantôme, mais actuel, c’est-à-dire virtuel fait à partir d’images numériques. L’idée est de rappeler la sensation de voyager dans une voiture ou dans un wagon en regardant le paysage défiler.

De quel type d’images s’agit-il ?
Je voulais filmer un paysage parisien, parce que j’ai toujours tourné des images ailleurs, que ce soit en Asie ou aux États-Unis, mais jamais ici. C’était donc l’occasion idéale. J’avais envie de montrer un Paris différent de celui haussmannien que l’on connaît. Un Paris plutôt imaginaire, un peu comme aurait pu le créer un Balard : un monde de béton, très urbain. Sur les 35 écrans installés dans le grand tuyau, le paysage passe d’un écran à l’autre et le visiteur est peu à peu   hypnotisé, son esprit divague. La réminiscence de moments de cinéma s’empare de son esprit. Ce n’est donc surtout pas une histoire du cinéma, mais des flashs de scènes marquantes émotionnellement et visuellement.

Pourquoi avoir fait le choix du Forum ?
Tout d’abord parce qu’il est l’espace nodal du Centre, puisque c’est à partir de lui que partent toutes les autres propositions et expositions. Ensuite, il s’agit d’un endroit qui, tout en étant dans le musée, reste public. C’est un espace muséal gratuit, ouvert à tout vent, et donc très en prise avec la cité. Enfin, l’investir s’inscrit dans la continuité de ce que j’ai fait, par exemple en Corée du Sud pour un musée à ciel ouvert dans la baie de Pusan (2007) ou pour l’installation sonore et vidéo à l’occasion de l’Exposition universelle de Yeosu (Corée) en 2012, ou encore avec la projection de Next Astronaut sur l’écran géant de Times Square à New York (Créative Time 2006).

Comment cette installation s’inscrit-elle dans votre travail ?
J’ai toujours été fasciné par les questions du paysage, du paysage mental et de la mémoire. Elles sont l’axe central de toute ma recherche aussi bien dans le champ artistique que dans le champ plus spécifiquement cinématographique. J’essaye de proposer, à partir d’un noyau de pratiques et d’expérimentations, des images qui vont être projetées soit dans des cinémas, comme ce fut le cas pour mes films, notamment Shimkent Hotel (2003) ou plus récemment Strecht (2011) ; soit dans l’espace cinéma d’un musée comme le film Marfa Mystery lights (2006) à la Tate Modern de Londres ou comme actuellement ici dans le cadre de la programmation Face B que je montre dans le cadre du Nouveau festival ; soit, enfin, quand il s’agit de formes plus détachées de la grammaire cinématographique, dans des espaces entièrement dédiés aux arts plastiques. Que je conçoive et tourne mes propres films, que je produise ou coproduise des films d’autres réalisateurs, ou que j’intervienne plus dans le champ de l’art contemporain, j’essaye de réfléchir aux frontières d’un territoire qui peut être arpenté aussi bien du côté du cinéma que des arts plastiques.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°408 du 28 février 2014, avec le titre suivant : Charles de Meaux « Je suis fasciné par le paysage mental et la mémoire »

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