École d'art

CAMPUS

Un mastère pour designers de jeu vidéo aux Gobelins

Par Geneviève Gallot · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2017 - 1007 mots

Loin d’être un feu de paille, l’engouement pour les jeux vidéo a hissé son industrie au sommet et engendré de nouveaux métiers, tels les designers formés à conjuguer divertissement et art.

Sur tous les continents, le jeu vidéo connaît une expansion considérable. En trente ans, il est devenu la première industrie culturelle dans le monde devant le cinéma et la musique avec un chiffre d’affaires de 100 milliards d’euros. En 2020, le cap des 4 milliards de joueurs sera dépassé. Un Français sur deux déclare jouer aux jeux vidéo régulièrement dont 46 % de femmes, 90 % de joueurs chez les jeunes, avec au total, un âge moyen de 34 ans (1). En 2017, avec les ventes de matériels, le jeu vidéo pourrait ainsi dépasser en France le chiffre d’affaires de 4 milliards d’euros, supplantant le livre, traditionnellement première industrie culturelle de notre pays. « La France est très compétitive, elle est forte de ses talents et de ses écoles », affirme Yves Guillemot, le PDG d’Ubisoft, studio à grands succès. De fait, sous l’impulsion des progrès technologiques et la puissance de ses créateurs, le jeu vidéo connaît d’immenses mutations. Avec le développement du jeu mobile sur smartphones et tablettes, la pratique se démocratise, se féminise, touche à des pans de plus en plus variés de la société. Les serious games, les jeux à usages thérapeutiques, l’E-sport qui pourrait faire son entrée aux Jeux olympiques de 2024, les tournois solidaires au profit d’ONG… ont le vent en poupe. Le jeu vidéo est désormais aussi un spectacle, se regarde sans manette autant qu’il se joue (2). Pas forcément interactif ni divertissement, tel qu’apparu à la fin des années 1950, il est un art à part entière, une expression de notre culture offrant des expériences immersives, collaboratives, souvent loin de la violence de ses débuts.

De jeunes designers de jeux, issus du mastère spécialisé « Jeu vidéo et transmedia-Interactive Digital Experiences (IDE) » de l’école des Gobelins, réalisé en partenariat avec le Cnam-Enjmin (3), témoignent : « Il faut tirer l’industrie vers le haut ! »En fin de formation, Jessica Komguen, 24 ans, déclare d’emblée : « J’ai toujours voulu créer des histoires ! Après un Brevet de technicien supérieur (BTS) design graphique et un Diplôme supérieur des arts appliqués, j’ai compris avec le mastère IDE que le jeu vidéo, les interactions, pouvaient énormément apporter au récit. »
 

Une formation transversale autour des médias numériques

Formation post-diplôme d’un an, à la fois pratique et théorique, réunissant une vingtaine d’étudiants aux profils très divers (graphistes, développeurs, illustrateurs, UX designers…) dans une vision transversale autour des médias interactifs numériques, le mastère IDE permet d’aborder toute la chaîne de production à travers quatre ou cinq projets courts, puis un grand projet prenant la forme d’un prototype réalisé en cinq mois, en équipe. Antoine Laporte, 28 ans, préalablement UX designer, qui effectue le mastère en alternance, à mi-temps sur un an et demi, tout en restant employé par l’entreprise GameLoft, qui prend en charge sa formation (4), souligne de son côté : « Avec le jeu vidéo, la notion d’expérience est fondamentale. Le joueur est le héros de sa propre histoire. L’enjeu majeur ? Faire vivre en symbiose la narration, l’interaction et l’image. » Tous deux insistent : « Notre génération a été bercée par le génial Super Mario et Zelda… Mais les médias ne sont pas ennemis les uns des autres. Les expériences artistiques s’enrichissent mutuellement ! » Leur grand projet collectif In The Long Run, récent lauréat du prix SACD-Beaumarchais du festival I Love transmedia ! s’est inspiré de l’univers de la peinture, du conte, pour ouvrir une réflexion métaphorique sur le sens de la vie à travers l’affrontement de deux mondes, l’un marqué par la vitesse, l’autre par la lenteur. « Finalement, nous aurions voulu avoir plus de cours de design de jeu. Le processus de création et de mise au point des règles, des niveaux au travers desquels le joueur va passer, l’élaboration de sa progression, ni trop brutale, ni trop douce, tout suppose de fortes compétences. »

Cosmografik ou Théo Le Du Fuentes, 30 ans, Interactive & Motion Designer, diplômé du mastère IDE après un BTS de graphisme et d’imprimerie, estime pour sa part que « le jeu vidéo est le moyen d’expression le plus riche aujourd’hui, le terrain le plus nouveau, un médium inclusif, très largement partagé, où tout le monde peut se retrouver ». À l’occasion du mastère IDE, il propose le jeu « Type : Rider », dont le but est d’explorer l’histoire de la typographie à travers les univers de polices emblématiques : Garamond, Times, Helvetica… Sorti en 2013 sur mobiles, puis sur PC et PlayStation, le jeu s’est classé numéro un des ventes en France et dans plusieurs pays d’Europe à son lancement. Convaincu que le jeu vidéo peut conjuguer divertissement et art, Cosmografik finalise actuellement la production d’un nouveau jeu autour du street art, « Vandals », où le joueur/street artiste doit se déplacer en évitant la police pour peindre les murs des villes. Jeu de résolution d’énigmes, d’infiltration et de stratégie, Vandals permet aussi la découverte d’un mouvement artistique mondial. « Le jeu vidéo est un objet culturel qui véhicule toujours un message. Autant qu’un livre ou un film », souligne le jeune designer. Pour Franck Labat, 32 ans, designer de jeu, venu des mathématiques et des sciences cognitives, passionné par le jeu vidéo depuis l’enfance : « Il reste indispensable de sortir des stéréotypes ! Le jeu ne doit pas être punitif. Ni mimétique. Au-delà du suspense, de l’action, de la ruse, il doit offrir des mondes ouverts, des émotions, des sensations poétiques. » Rendez-vous à Paris Games Week 2017, le salon annuel des jeux vidéo qui ouvre le 1er novembre et attend plus de 300 000 visiteurs, pour découvrir les dernières nouveautés…

 

(1) Voir Étude du CNC, Le marché du jeu vidéo en 2016, octobre 2017. (2) Voir Game, Le jeu vidéo à travers le temps par Jean Zeid, Seuil, 2017. (3) École nationale du jeu et des médias interactifs numériques du Cnam, située à Angoulême. (4) Frais de scolarité : 13 100 euros par une entreprise. 10 500 euros à titre individuel.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : Un mastère pour designers de jeu vidéo aux Gobelins

Tous les articles dans Campus

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque