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Un institut français d’islamologie pour étudier l’islam

Par Olympe Lemut · Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2023 - 845 mots

PARIS

Créé en février 2022, cet institut voulu par Emmanuel Macron pour étudier scientifiquement l’islam s’est construit avec les instances universitaires, les autorités religieuses mais aussi les pouvoirs publics.

Lauréats 2022 des bourses de fin de thèse de l'Institut français d’islamologie (IFI), avec Pierre Caye à droite. © Sylvain Lhermié
Lauréats 2022 des bourses de fin de thèse de l'Institut français d’islamologie, avec Pierre Caye à droite.
© Photo Sylvain Lhermié

Aubervilliers. Lors de son « discours des Mureaux » en octobre 2020, Emmanuel Macron appelait à refonder « une filière française d’excellence en islamologie », grâce à un institut spécialisé. L’Institut français d’islamologie (IFI) a été officiellement inauguré en novembre dernier à la Sorbonne, après pourtant neuf mois d’existence. Lors de l’inauguration se trouvaient notamment la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (Sylvie Retailleau), et les recteurs de la Grande Mosquée de Paris et de celle de Lyon : l’IFI s’inscrit dans une perspective de dialogue « avec les institutions publiques et les autorités religieuses », comme l’a rappelé son président Claudio Galderisi lors de l’inauguration.

Constitution d’un Groupement d’intérêt public

L’idée de créer un institut d’islamologie remonte à plusieurs années à la suite d’un constat partagé par les milieux universitaires : la filière française d’études de l’islam connaît un affaiblissement durable, depuis « au moins trente ans » selon Augustin Jomier, directeur adjoint de l’IFI. Il rappelle que, dès septembre 2014, un livre blanc avait été publié par Catherine Mayeur-Jaouen, en guise de bilan des études françaises sur le Moyen-Orient et les mondes musulmans. Mais il manquait une structure pour dynamiser la filière ; c’est maintenant chose faite. Constitué en Groupement d’intérêt public (GIP), l’IFI regroupe huit établissements d’enseignement supérieur, dont les universités de Lyon 2 et Strasbourg, et l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ces établissements comportent tous des équipes de chercheurs spécialisés sur l’étude de l’islam, mais l’IFI ne se donne pas de simples objectifs de recherche universitaire. Selon Pierre Caye, directeur de l’IFI, le GIP « est un instrument institutionnel pour favoriser les actions de différents acteurs publics sur un même projet ».

Pierre Caye souligne d’ailleurs « l’originalité de ce projet » qui permet plus d’autonomie pour la recherche. Le financement reste entièrement public pour l’instant, abondé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à hauteur de 800 000 euros en 2022, et en hausse pour 2023.

Mais quelles sont précisément ces activités destinées à « promouvoir et soutenir l’islamologie fondamentale » ? Pierre Caye détaille cinq axes : soutenir et financer la recherche, renforcer la formation y compris en distanciel, élaborer un observatoire de l’islamologie, chercher des conventionnements avec des institutions partenaires et mener des activités d’expertise et de conseil. L’éventail de ces activités dépasse donc largement le cadre de la recherche universitaire et implique des relations constantes avec les pouvoirs publics. Pierre Caye indique ainsi que « l’IFI est en dialogue permanent avec le ministère des Affaires étrangères sur certains thèmes ».

Une approche historique, critique et textuelle de l’islam

Concernant le contenu scientifique de l’IFI, le mot d’ordre est « promouvoir une approche historique et critique dans l’étude de la religion musulmane », selon Claudio Galderisi, qui insiste sur l’importance des sources textuelles dans la langue d’origine. Augustin Jomier et Pierre Caye confirment ce point : « La maîtrise de la langue et des traditions textuelles est fondamentale. » L’IFI finance donc des bourses pour les jeunes chercheurs désireux de perfectionner leur arabe ou leur turc. Car la zone géographique concernée s’étend au-delà des pays arabes, zone souvent privilégiée par les études universitaires françaises. Cet élargissement géographique se reflète dans les thèmes prioritaires choisis pour 2022-2025, à la suite d’un diagnostic sur les études d’islamologie. Augustin Jomier cite ainsi « l’étude de la tradition par les hadiths du Prophète, la place de la philosophie en islam et les modèles politiques dans le chiisme » comme thèmes à étudier d’urgence. L’étude du texte coranique et le soufisme, en revanche, sont des domaines déjà bien représentés en France. Enfin, il annonce « les humanités numériques en islam » comme le thème « innovant » choisi jusqu’en 2025. L’ensemble de ces orientations est décidé de manière collégiale : un conseil scientifique les formule, puis elles sont adoptées en assemblée générale et mises en œuvre par le directeur du GIP.

Création de seize postes d’enseignants-chercheurs

Si ces thèmes ne sont pas en prise directe avec l’actualité française, la création de l’IFI peut pourtant s’interpréter comme un geste politique, car comme le rappelle Claudio Galderisi « la République doit assurer un apprentissage rigoureux des savoirs religieux, [...] dans des formations strictement non confessionnelles ». Ces formations sont ouvertes aux chercheurs mais également aux hauts fonctionnaires et aux représentants du culte musulman. L’IFI a donc déjà un pied sur le terrain politique, d’autant qu’il mène des activités de conseil pour les institutions françaises, selon Pierre Caye. Augustin Jomier concède à ce sujet que « l’IFI est en contact avec le bureau des Cultes du ministère de l’Intérieur », sans résultat concret à ce jour. Pierre Caye ajoute que l’IFI doit soutenir activement l’enseignement universitaire pour les quatre prochaines années. Outre les bourses et les contrats doctoraux, l’IFI va créer seize postes d’enseignants-chercheurs en islamologie. Pour 2022, Augustin Jomier se félicite des « cinq postes créés à l’université et un poste de direction de recherche » : les premiers résultats sont donc encourageants. En pleine crise de financement des universités, l’IFI a fait une entrée remarquée sur la scène universitaire et politique.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Un institut français d’islamologie pour étudier l’islam

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