Berlin découvre trois œuvres potentiellement spoliées par les nazis dans sa galerie du XXe siècle

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 18 juillet 2014 - 597 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [18.07.14] - Suite à un projet de recherche de trois ans, le Land de Berlin a clarifié la provenance de 85 % de sa collection de modernes classiques. Mais la provenance de 61 autres œuvres n’a pu être établie avec certitude.

La SPK, Stiftung Preußischer Kulturbesitz, (Fondation du patrimoine culturel de Prusse), n’a pas attendu l’affaire Gurlitt pour se pencher sur la provenance de sa collection. Suite à la déclaration de Washington, la SPK avait adopté dès 1999 une résolution visant à renforcer la recherche dans ce domaine. Confrontée à un nombre croissant de demandes de restitution et de renseignements sur la collection, la fondation a créé en 2008 un poste de recherche scientifique dédié à la recherche sur la provenance, auquel viennent s’ajouter des projets spécifiques.

Le 7 juillet dernier, la SPK et le Land de Berlin ont dévoilé les résultats d’un de ces programmes. La provenance de quelques 450 œuvres de la galerie du XXe siècle appartenant au Land de Berlin a été examinée par deux scientifiques pendant une durée de trois ans. Cette collection de modernes classiques a été acquise par le Land de Berlin à partir de 1949, et placée en dépôt dans les musées étatiques de Berlin en 1968. Il s’agissait pour le Land de Berlin de recréer une collection d’art du début du XXe siècle, qui avait été détruite, spoliée ou vendue par les nazis. La collection actuelle comprend notamment des œuvres d’Hans Arp, Kirchner, Mondrian, et Picasso. Les œuvres ayant été achetées après guerre, c’est la provenance avant l’acquisition qui a dû être clarifiée. Le programme a coûté un demi-million d’euros, financés aux deux tiers par la SPK et à un tiers par le Land de Berlin.

Le Président de la fondation, Hermann Parzinger, s’est réjoui d’annoncer que 85% de la collection provenaient de source sûre. Seule trois œuvres sont soupçonnées d’avoir été spoliées à des familles juives. Le Land de Berlin a affirmé son intention de contacter les héritiers. Il s’agit de l’œuvre Zwei badende Frauen (deux baigneuses) de Franz Marc, et deux tableaux de Max Slevogt. La provenance de 61 autres œuvres n’a toutefois pas pu être établie avec certitude : la SPK ayant atteint ses limites, « nous avons besoin d’aide extérieure », a déclaré Hermann Parzinger. Partagée entre souci de transparence et rigueur scientifique mais aussi protection juridique, la fondation n’a cependant pas dévoilé la liste des 61 œuvres : il faudra patienter jusqu’à la publication des résultats du programme prévue pour fin 2015. La SPK a toutefois prévu de publier progressivement la liste des œuvres sur le site Lostart.de. Neuf œuvres ont été d’ores et déjà postées, parmi lesquelles des œuvres de Schmidt-Rottluff, Louis Vivin et Raoul Dufy. Lors de la conférence de presse, les deux scientifiques ont également évoqué le cas d’une sculpture de Wilhelm Lembruck datant de 1913, Tête de jeune fille penchée, qui a transité par la galerie Flechtheim puis par une collection privée en France.

Le nouveau Secrétaire d’Etat à la Culture du Land de Berlin, Tim Renner, qui a pris ses fonctions en avril dernier, a déclaré qu’il était moralement primordial pour Berlin de faire la lumière sur provenance de sa collection des modernes classiques. Près de 70 ans après la fin de la guerre, le Land de Berlin est le premier de la fédération à accomplir cette démarche. « Le Land continuera de soutenir à l’avenir ce processus, aussi bien politiquement que financièrement », a déclaré Tim Renner. La fédération a par ailleurs récemment doublé les fonds visant à financer les projets de recherche sur la provenance.

Légende photo

Raoul Dufy, La mer (1924) - © Photo Melder - source Lostard.de

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