Nomination - Politique culturelle

Les mandats des directeurs d’établissement culturel

Tout savoir sur les prochains renouvellements dans les musées

Par Jean-Christophe Castelain · Le Journal des Arts

Le 26 septembre 2022 - 1378 mots

Depuis un décret de 2015, les mandats des directeurs ou présidents des établissements publics culturels sont encadrés relativement à la durée et aux conditions de leur renouvellement. Ces nouvelles règles permettent à l’exécutif d’être encore plus présent dans les procédures de nomination.

Catherine Pégard. © Thomas Garnier / Philippe Bélaval. © Benjamin Gavaudo / CMN - 2018
Catherine Pégard et Philippe Bélaval.
© Thomas Garnier © Benjamin Gavaudo / CMN, 2018

France. Le pouvoir de nomination reste l’un des rares privilèges que l’exécutif peut exercer de manière discrétionnaire, et il ne s’en prive pas. C’est particulièrement vrai pour les directeurs des opérateurs culturels qui, il est vrai, ont de plus en plus tendance à s’émanciper de leur tutelle ministérielle. Aussi, le gouvernement aime à leur rappeler de qui ils tiennent leur mandat. On relève à cet égard que sur les 35 postes figurant dans notre tableau, 24 nominations relèvent d’un décret présidentiel, pris ou non en conseil des ministres, alors que 9 seulement sont décidées par le ministre de la Culture. « Décidées » est d’ailleurs un bien grand mot : même les nominations de la compétence de la ministre, ou celles des directeurs de fondation ou de SAS, transitent par l’Élysée.

Il y a bien sûr des procédures de recrutement avec appel à candidatures et jury de recrutement, mais in fine la décision revient au président de la République. Tout cela dans la plus grande discrétion. Une seule fois dans l’histoire récente, l’exécutif avait joué la transparence, en rendant publics les noms des candidats ; c’était en 2008, à la suite de la mini-polémique de la nomination de Georges-Marc Benamou à la Villa Médis. Furieux d’avoir été éconduit, Olivier Poivre d’Arvor avait publiquement interpellé le président de la République de l’époque (Nicolas Sarkozy), qui avait finalement poussé son conseiller à retirer sa candidature et décidé d’une procédure publique. Parfois ce sont les candidats eux-mêmes qui instrumentalisent les médias pour pousser leur candidature, même lorsque celle-ci semble baroque comme en 2013 lorsque Catherine Grenier et Laurent Le Bon annoncent dans un entretien au Monde leur « ticket commun » pour prendre la succession d’Alfred Pacquement au Musée national d’art moderne.

À la décharge de l’exécutif, il est difficile de mener une procédure de sélection dans la transparence. D’abord pour les candidats eux-mêmes : il est délicat de faire connaître son intention de quitter son poste – car on y reste en cas d’échec. Ensuite pour la tranquillité de la procédure, la confidentialité permet – en théorie – d’éviter les pressions des uns et des autres via la presse ou les réseaux de pouvoir. D’aucuns mettent en avant les procédures de recrutement dans les pays anglo-saxons, qui parviennent à mener des entretiens avec des candidats occupant des postes importants en toute discrétion. C’est oublier qu’aux États-Unis la plupart des musées sont privés et gérés comme des entreprises avec une culture de l’omerta dans les recrutements.

Trois ans renouvelables deux fois

En 2015, le président François Hollande, par le truchement de la ministre de l’époque Fleur Pellerin, avait tenté de mettre un peu d’ordre dans tout cela, au moins dans la durée des mandats, très hétérogène. La ministre fait ainsi modifier les décrets décrivant les règles de fonctionnement d’une cinquantaine d’établissements publics (EP) culturels, en fixant des mandats de trois ans renouvelables deux fois, soit neuf ans au total, avec quelques exceptions tels le Louvre, Versailles (mais pas Fontainebleau) et Orsay (mais pas le Quai Branly) où le premier mandat est de cinq ans. Il n’est plus possible pour un directeur d’EP de diriger son établissement pendant vingt et un ans comme ce fut le cas pour Stéphane Martin au Musée du quai Branly. Le décret n’étant pas rétroactif, le premier mandat de Jean-François Chougnet par exemple, nommé en 2014 au MuCEM à Marseille, est de cinq ans. Ces règles ne s’appliquant qu’aux établissements publics, elles ne concernent pas les services à compétence nationale (SCN), ces opérateurs culturels qui dépendent directement du ministère telles les Archives nationales, même si dans les faits il y a volonté d’harmonisation. Elles ne concernent pas non plus le nouveau statut de société commerciale à associé unique (SASU), qui depuis le Palais de Tokyo tend à se développer. Mais là aussi il y a une volonté d’harmonisation.

En privé, certains directeurs critiquent ces durées jugées trop courtes, notamment pour le premier mandat de trois ans qui ne permet pas toujours de mettre en œuvre les réformes pour lesquelles ils ont été recrutés. Ils se plaignent aussi l’épée de Damoclès du renouvellement, qui, pour certains, paralyse leurs initiatives les plus audacieuses et pour d’autres les incitent à monter des opérations de communication pour se faire bien voir de la tutelle. Dans la pratique, ils sont souvent renouvelés, avec des exceptions notables comme Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre prié de laisser sa place à Laurence des Cars. On relève qu’un quinquennat présidentiel permet à un président de la République de renouveler ou non tous les directeurs et ainsi d’exercer une amicale pression sur eux.

7 nominations importantes à venir

Dans les six prochains mois, l’Élysée et la Rue de Valois ont à plancher sur sept nominations importantes. Le deuxième mandat de Romane Sarfati à la présidence de la Cité de la céramique-Sèvres et Limoges est arrivé à expiration en juillet. Celle-ci a décidé (sic) de ne pas demander son renouvellement. Le mandat de Sophie Makariou a atteint sa durée maximum au Musée Guimet à Paris et on attend le nom de sa ou son remplaçant(e), ainsi que sa nouvelle affectation. Sont attendus de même les nouveaux noms pour Versailles – Catherine Pégard ayant atteint la limite d’âge –, et un peu plus tard Chambord (actuellement Jean d’Haussonville) et les Musées Gustave-Moreau et Jean-Jacques-Henner (Marie-Cécile Forest).

Le petit milieu médiatico-culturel se demande aussi ce qu’il en sera pour l’inusable Jack Lang à la tête de l’Institut du monde arabe, qui aura 83 ans et demi en mars prochain et qui est renouvelable. Petit problème, Emmanuel Macron n’a toujours pas remplacé sa conseillère culture, Rima Abdul Malak, devenue ministre de la Culture en mai dernier, or c’est justement l’une des attributions du conseiller que de suivre les nominations.

Télécharger le tableau des durées de mandats des directeurs et présidents des principaux opérateurs culturels.

 

Les dates soulignées en colonne « Fin du mandat en cours » signalent des mandats non renouvelables. EP : établissement public, SAS : société par action simplifiée, SCN : service à compétence nationale. PR : président de la République, PM : Premier ministre. Renouv. : renouvelable.

Un âge limite entre règle générale et cas particuliers  

Dans la culture comme ailleurs, les carrières s’allongent. La loi du 9 novembre 2010 recule l’âge de départ des fonctionnaires de quatre mois par génération à partir de 1951, fixant la nouvelle limite à 67 ans pour les fonctionnaires nés après 1956. Née en 1954, Catherine Pégard, la présidente de l’Établissement public du château de Versailles, a déjà dépassé la limite qui s’applique à sa génération, de 66 ans et quatre mois. Mais l’ancienne journaliste et plume de Nicolas Sarkozy n’a toujours pas quitté son poste, contrairement à son prédécesseur, Jean-Jacques Aillagon, sommé de laisser le poste vacant le jour de ses 65 ans en 2011.« J’ai à cœur de remplir ma mission », se justifiait-elle laconiquement dans Le Monde début septembre. Bénéficiant d’une dérogation, Catherine Pégard peut achever son troisième mandat versaillais grâce à la loi du 31 mai 2011. Celle-ci indique que certains hauts fonctionnaires peuvent être reconduits pour deux ans supplémentaires après la limite d’âge, « à titre exceptionnel, dans l’intérêt du service et avec leur accord ». Philippe Bélaval a également profité de cette disposition aux contours vagues (« l’intérêt du service » n’y est pas défini) : le président du Centre des monuments nationaux a fêté ses 67 ans durant l’été, un an avant la fin de son ultime mandat. Selon une indiscrétion du Figaro, la loi de 2011 autorisant ces dérogations aurait été votée dans l’urgence pour prolonger l’action du préfet Christian Lambert en Seine-Saint-Denis. Tout comme un point de règlement, permettant explicitement à son président d’achever son mandat en cours en cas de dépassement de cette limite glissé dans les statuts de la Réunion des musées nationaux (RMN)-Grand Palais en 2010. Il autorisait Jean-Paul Cluzel à rester en poste jusqu’à la fusion effective entre la RMN et le Grand Palais. La législation générale, et particulière des institutions, évolue ainsi opportunément, allongeant l’exercice de fonctionnaires qui ont la confiance de l’exécutif.

 

Sindbad Hammache

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°595 du 23 septembre 2022, avec le titre suivant : Les mandats des directeurs d’établissement culturel

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